© C. Nathadread
ƒƒ article de Victoria Fourel
Concours d’éloquence. Finale. Affrontement. Autour d’une question, deux candidats vont s’affronter, s’adonner à une joute verbale sans répit. « L’Etat est-il seul responsable de la situation des banlieues ? » Personne ne peut répondre à cette question par un joli « oui » ou un beau « non » tout net. Et pourtant ces candidats, face à un public soufflé, vont tenter de le faire.
Depuis quelques temps, l’éloquence, dans son sens le plus strict d’exercice oratoire et quasi sportif, est redevenue une véritable discipline. Les universités et les écoles apprennent aux jeunes à se défendre par les mots, et même les réseaux sociaux deviennent le lieu de grands débats, plus ou moins maîtrisés. Intéressant, dès lors, de théâtraliser cette quête d’arguments. Le rap de Kery James était déjà précurseur du rap conscient, et sa parole théâtrale rejoint son engagement en musique. Glissant de monologues cinglants en échanges crispés, le débat s’avère convaincant, démontrant une vraie gourmandise pour l’argumentation, pour le débat, pour la tchatche, aussi.
Le public y est également très présent. Pris à parti, pris en compte, il a parfois des réactions sonores. Preuve notamment que les jeunes sont dans la salle, et répondent à tout ce que le texte de Kery James envoie. Les inégalités qui nous empêchent de nous rejoindre, les clichés de toutes parts, les complexités des responsabilités. Si parfois l’ensemble rend le spectacle un peu trop didactique, c’est un formidable outil de pédagogie et une belle base de réflexion.
C’est vraiment dans cette forme que le spectacle prend le plus son sens. Simple en mise en scène, ces moments de discussion plus ou moins virulente sont vivants, sérieux, drôles, riches. Mais l’on perd un peu de ce premier degré lorsque l’on sort du débat pour rentrer dans des scènes détachées de ce contexte. Moins originales, un peu plus explicatives, elles nous captivent moins.
Les deux France qui s’opposent sur scène sont très bien amenées par Kery James et Yannick Landrein, l’un usant de flow maîtrisé pour tirer à bout portant sur l’adversaire, pendant que l’autre est dans un registre profond et très théâtral, riche de nombreuses ruptures et d’une technique infaillible. C’est un spectacle qui a beaucoup à faire pour lancer des débats et former, aussi, à l’art du débat. De façon un peu trop écrite, en l’occurence, autour de l’état de notre pays et de ses dirigeants, et de façon générale, autour de la chose publique, qui nous regarde tous et qui mérite que chacun s’y penche.
A Vif, de Kery James
Mise en scène Jean-Pierre Baro
Collaboration artistique Pascal Kirsch
Son Loïc Le Roux
Lumières, vidéo Julien Dubuc
Scénographie Mathieu Lorry Dupuy
Avec Kery James et Yannick Landrein
Voix-off Jean-Pierre Baro
Du 5 au 9 mars 2019
Du mardi au vendredi à 20h et le samedi à 19h30
Durée 1h15
Théâtre de la Croix-Rousse
Place Joannès Ambre
69004 Lyon
Réservation au 04 72 07 49 49
www.croix-rousse.com
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