article de Denis Sanglard
© Laurencine Lot
Etrange pièce qui par tant de manichéisme frise la caricature et atteint la médiocrité. Malgré un sujet passionnant, la compromission artistique avec le régime nazi à travers le procès du chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler, cette création est lourde. Très lourde. On s’y ennuie ferme. Un manichéisme donc, outré et franchement ridicule, qu’illustre la figure du Sergent Arnold chargé de prouver la culpabilité du chef d’orchestre. Joué d’un seul bloc par Francis Lombrail, sans nuance aucune, qui ne laisse à ce personnage obtus aucune zone d’ombre, de doute, d’humanité. Pas la moindre respiration qui permettrait de s’engouffrer dans les failles possible d’un personnage qui certainement ne méritait pas un tel traitement. Et Michel Bouquet ? Que diable… On peut comprendre l’intérêt de l’immense acteur pour un personnage aussi troublant que ce musicien. Pour les questions qu’il pose, l’ambigüité des artistes sous le régime nazi entre collaboration active, collaboration passive. Et la réponse toute aussi ambigüe de l’art comme acte de résistance. Une réflexion sur la fonction de l’art qui anime tant Michel Bouquet. On sait aussi son appétence pour les personnages complexes. Son unique façon de décortiquer froidement les personnages créés au long d’une carrière. Cette méthode réfléchie, sa passion pour « Le paradoxe du comédien » de Diderot dont il tire le suc pour aborder l’art dramatique, dessiner chacun des personnages investis sur le plateau et respecter au plus près les intentions et l’écriture de l’auteur… Seulement ici, et presque comme à chaque fois, il semble bien seul. Ce qu’il réussit à tirer de son personnage, tout en nuance, ponctué de silence, se fracasse contre le caractère buté de son partenaire qui lui, avance obstinément d’un seul tenant. C’est cette impression de grande solitude, non du personnage, mais du comédien que l’on ressent ici avec malaise. Desservi par une pièce qui n’atteint pas la hauteur de son sujet, une mise en scène a minima, des partenaires qui ne déméritent pas mais ne décollent guère de leur personnage, plus figures animées que caractères, Michel Bouquet semble comme en retrait de lui-même, tout à son personnage certes, accroché à lui pour éviter le naufrage, mais absent du plateau. L’impression singulière d’un monologue avec lui-même, d’un soliloque. Alors oui, on vient le voir comme on visite un monument, parce qu’il est de la race des grands acteurs, mais quelque chose qui relève de la frustration l’emporte ici.
A tort et à raison
Texte Ronald Harwood
Traduction française Dominique Hollier
Mise en scène Georges Werler
Assistante à la mise en scène Nathalie Bigorre
Scénographie Agostino Pace
Costumes Pascale Bordet
Lumières Jacques Puisais
Conception sonore Jean-Pierre Prévost
Accessoiristes Bénédicte Charpiat et Coralie Avignon
Avec Michel Bouquet, Francis Lombrail, Juliette Carré, Didider Brice, Margaux Van Den Plas, Damien ZanolyA partir du 23 décembre 2015
Du mercredi au samedi à 21h
Dimanche à 17hThéâtre hébertot
78bis, boulevard des Batignolles – 75017 Paris
Réservations 01 43 87 23 23
www.theatrehebertot.com
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