Critiques, Evènements, Festivals // A solo in the spotlights, de Vittorio Pagani, au Théâtre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé

A solo in the spotlights, de Vittorio Pagani, au Théâtre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé

Avr 06, 2025 | Commentaires fermés sur A solo in the spotlights, de Vittorio Pagani, au Théâtre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé

 

© Dario Bonazza

 

ƒ article de Nicolas Thevenot

A solo in the spotlights affiche la couleur et un programme dès le titre : un solo et des projecteurs. Et c’est sans aucun doute le deuxième élément, la lumière, qui gouverne dramaturgiquement l’ensemble, société du spectacle oblige. Dans une proposition toute en efficacité, déployant son sens dans son exécution même, le danseur et chorégraphe Vittorio Pagani nous offre une traversée des apparences, investit la fabrique spectaculaire, les rapports de domination qui y siègent, et la circulation symbolique qui y a cour. Car, pour être sous les projecteurs, il faut d’abord être reconnu et retenu par un chorégraphe, être à même de le séduire. Dans cette industrie, comme dans les autres, il faut savoir se vendre, et faire de soi et de son corps une petite entreprise. Il s’agit d’être capable de s’objectiver sous le regard de l’autre pour n’être plus qu’une marchandise-forme dont il pourra s’emparer, malléable à sa guise…

La trajectoire de la pièce de Vittorio Pagani est celle qui va du postulant à l’instructeur-interrogateur, dans une dualité qui serait comme la thèse et son antithèse mais obéissant au même schème. La voix sonorisée, en playback, est celle du danseur se présentant à un casting, façon CV, compétences clamées et illico performées, dans une danse virtuose, avant d’être remplacée dans la deuxième partie par la voix de son maître, robotique et sadique à souhait. Si les mots peuvent dépasser la pensée, les gestes ne manquent pas d’exprimer, dans une froide ironie, ce qu’il vaudrait mieux taire : avaler des couleuvres ou sucer des bites pour avoir sa place au soleil (de la scène). On veut bien le croire même si c’est cru. La lucidité de Vittorio Pagani éclaire par son dispositif où finalement le processus d’asservissement reste le même, qu’il parle depuis l’exécutant ou depuis le donneur d’ordre, rendant compte d’une logique plus générale de domination, capitaliste extractiviste, qui surplombe ses agents. Que le chorégraphe apparaisse comme machinique, dans une version IA, ne rend que plus radical et tangible l’exercice du pouvoir. Corps musculeux, chosifié dans une tenue pinky, cagoule évoquant autant le fétiche SM que le pénitent, Vittorio Pagani en deviendrait presque poupée gonflable pliable en tous sens tel un punching ball tant ce qu’il subit ressort de l’outrage. Savoir se plier prend tout son sens ici.

A force de faire corps avec son sujet, A solo in the spotlights finit aussi par se brûler les ailes. Cette surexposition et surexploitation, aux allures de surlignage, crée de l’asphyxie dans son écriture, évacue tout hors champ, avance par univocité, finissant par imposer avec le spectateur un rapport de domination assez similaire à celui qu’il dénonce, sauf à penser que dans l’analyse qui est faite, c’est bien le spectateur, en dernier ressort qui est le maître d’œuvre de cette chaine de domination.

 

© Dario Bonazza

 

A solo in the spotlights, conception, chorégraphie, texte et interprétation et vidéo de Vittorio Pagani

Assistants à la création : Hannes Langolf, Martin Hargreaves

Lumières : Mark Webber

Durée : 40 min

Le 13 mars 2025 à 19h30

 

 

Théâtre de Vanves (Salle Panopée)

12 rue Sadi Carnot

92170 Vanves

Tél : 01.41.33.93.70

https://www.theatre-vanves.fr

 

Be Sociable, Share!

comment closed