À l'affiche, Critiques // A Floresta que anda (La forêt qui marche), de Christiane Jatahy, inspiré de Macbeth de Shakespeare, au Cent-Quatre-Paris.

A Floresta que anda (La forêt qui marche), de Christiane Jatahy, inspiré de Macbeth de Shakespeare, au Cent-Quatre-Paris.

Oct 06, 2016 | Commentaires fermés sur A Floresta que anda (La forêt qui marche), de Christiane Jatahy, inspiré de Macbeth de Shakespeare, au Cent-Quatre-Paris.

ƒƒƒ article de Jean Hostache

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© Marcelo Lipiani

Avec La forêt qui marche, la metteure en scène brésilienne Christiane Jatahy clôt sa trilogie remarquable, qui avait déjà impressionné le public les deux saisons précédentes avec Julia et What if they went to Moscow ? (inspirées de Mademoiselle Julie et des Trois Sœurs). Nous retrouvons bien sûr dans cette nouvelle proposition une esthétique proche des deux autres, qu’il s’agisse de l’usage de vidéo filmée en directe (qui signe pour Jatahy un mode de médiation privilégié), ou qu’il s’agisse de se pencher sur une œuvre classique comme matériau à ciel ouvert, pour en faire une adaptation immédiatement contemporaine et proposer un théâtre volontairement politique et militant. Pourtant malgré ces similarités évoquées cette trilogie, Jatahy apporte de nouveau une radicalité insolente à sa forme, qui apparaît comme inédite, performative, et venant proposer au public une expérience immersive unique.

Il serait fâcheux de dévoiler au spectateur les ficelles de cette expérience faite de surprises et de rebondissements. Ainsi, sans divulguer les « tours » que l’équipe opère pendant la représentation, nous pourrions nous contenter de présenter ce format spectaculaire intelligemment réalisé, et qui s’amuse en permanence à déplacer le réel dans la fiction, faisant péricliter toute idée de cadrage théâtral. Le public est comme convié à un vernissage, et déambule devant des installations vidéo où sont projetés différents témoignages. Des fragments de vie arrachés à des individus, qui confessent à travers leur récit diverses crises et de problématiques majeurs que côtoie notre actualité. Un théâtre par là documentaire et quasi-journalistique, qui amène le spectateur à réfléchir consciemment au marasme grandissant qui s’installe dans son quotidien. Parmi cette foule de visiteurs se cache une foule de spectateurs, à laquelle les ouvreurs du théâtre ont proposés en amont des oreillettes. Durant la totalité de ce dispositif original, Christiane Jatahy (un peu à la manière de Kantor avec La classe morte) expose à l’oreille de ces spectateurs, ici métamorphosés en acteurs, plusieurs consignes et indications qui participeront à la réalisation en temps réel de son spectacle. L’observateur, devenant ici rôle principal de sa dramaturgie, amène le public à être lui aussi totalement engagé dans le processus et la création artistique. C’est en cela que Jatahy balaye les conventions et impose sa singularité poignante au regard dupé du spectateur.

Pour clôturer sa trilogie, Jatahy se penche sur un matériau shakespearien et très riche, à savoir Macbeth. Elle voit dans cette « tragédie maudite » une manière de dénoncer la corruption politique mondiale aujourd’hui devenue une banalité dans bien des cas. Elle se sert métaphoriquement de « La forêt qui marche », dans le dernière acte de la tragédie venant mettre fin à la prophétie sur le règne illégitime de Macbeth, pour initier un mouvement de conscience sociale et politique de la part du public. Les spectateurs retournent à leur vie quotidienne en ayant à l’esprit, et frappant comme un glas, l’image d’une armée indignée allant évincer la noirceur de la corruption politique. Une métaphore en somme forte et militante qui participe à faire de ce spectacle, outre son esthétique révolutionnaire, une œuvre engagée et déroutante.

A Floresta que anda (La forêt qui marche)
Inspiré de Macbeth de William Shakespeare
Mise en scène et conception Christiane Jatahy
Décor Marcelo Lipiani
Photographie et vidéo en direct Paulo F. Camacho
Vidéo Julio Parente
Costumes Fause Haten
Musique Estevao Case
Musicien Felipe Norkus
Collaboration artistique Fernanda Bond, Stella Rabello, Isabel Teixeria et Henrique Mariano
Assistant lumière Leandro Barreto
Régie son Francisco Slade
Avec Julia Bernat

Du 4 au 22 octobre mardi, mercredi et jeudi à 19h30 et 21h, samedi à 18h, 19h30 et 21h, dimanche à 16h, 17h30 et 19h.

Le CentQuatre-Paris
5, rue Curial – 75019 Paris
Métro Riquet (ligne 7), Stalingrad (lignes 2, 5 et 7), Marx Dormoy (ligne 12) ; Gare Rosa Parks (RER E, T3b) ; Bus 54 et 60
Réservations au 01 53 35 50 00
www.104.fr

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