© Alban van Wassenhove
ff article de Denis Sanglard
Madame Couic, prénom Pauline, est une femme en crise. Madame Couic s’ennuie, se rêve en Emma Bovary – pour sa fin surtout – parce que « Flaubert, c’est inattaquable ». Entre deux clopes, deux chispsters, deux séances de psy, elle se raconte, raconte ce quotidien morne, ce bovarysme qui la ronge. Sa vie réduite au repassage, au shopping compulsif, aux essayages de fringues… pour combler le vide, palier une souffrance qu’on se refuse à avouer. Dans ce décor où les meubles se dérobent à vous, vous font rebondir – joie du plastique – et vous obligent à des contorsions proprement clownesques, métaphore de son propre déséquilibre, Pauline Couic va et vient, promène un regard désenchanté et lucide sur le fiasco de sa vie. Boulimique, elle fume, elle boit, elle mange, pour entretenir cette névrose qui lui dit qu’elle existe dans son marasme quotidien. S’adressant autant à nous qu’à un interlocuteur absent, sans doute imaginaire, quoique… Oui, mais qu’on ne s’y trompe guère, c’est bien plus pernicieux. Et si tout cela n’était qu’un jeu ? Si tout cela ne cachait pas autre chose ? Merveille d’un texte bien malin, tout en ellipses et dont la fin, inattendue, imprévisible, vous laisse stupéfait et qu’on ne dévoilera pas ici, sinon dire que cela nous a bien faire rire.
Marie-Laure Baudain est une formidable clownesse ; ce petit bout de femme qui se cache à peine derrière son nez-rouge et son avatar Pauline Couic, c’est d’abord une sacrée présence qui s’impose d’emblée. Un regard franc ne vous lâchant pas pour que nous entrions sans barguigner dans la confidence de ses états d’âmes disloqués. Son jeu d’Auguste est fait de petits riens qui virent potentiellement à la catastrophe. C’est dans l’intimité de son personnage quelque peu naïf et sensible qu’elle trouve matière à transcender une réalité ne cessant en apparence de lui échapper et dont elle fait farce de tout bois. Zipper une jupe, enfiler une robe fourreaux, retirer des chaussures, repasser, danser, fumer, s’assoir même, devient prétexte à un jeu très physique, burlesque, extraverti, qui dénonce incidemment un déséquilibre, un malaise sans doute plus profond. Le titre de cette entrée est un parfait résumé de ce qui sur le plateaux advient. Clownesse courroucée de tout, Pauline Couic porte en elle un chaos lequel génère sur la piste un cataclysme existentiel ravageur. Elle qui se rêve en Emma Bovary ressemble davantage aux héroïnes almodovariennes, au bord de la crise de nerf comme on le sait. Talons aiguilles étant la référence explicite que le choix musical, d’entrée, quoique dans sa version italienne (un anno d’amore, par Mina), accuse en tout honnêteté. C’est le propre du clown, de l’Auguste, de grossir le trait sans qu’il ne soit pour autant épais. Marie-Laure Baudin si elle appuie ce trait là où il fait mal en chacun, le fait avec une grande délicatesse, n’exprimant rien de moins, derrière le rire qu’elle provoque comme malgré-elle, qu’une tendresse infinie pour tous les cabossés de la vie.
© Alban van Wassenhove
Chaos, courroux et cataclysme, création de Marie-Laure Baudain
Texte de Marie-Laure Baudain et Paola Rizza
Mise en scène de Paola Rizza
Créateur lumière : Xavier Lescat
Régisseur lumière : Grégory Salles
Avec : Marie-Laure Baudain
Jusqu’au 26 octobre 2025
Du jeudi au samedi à 21h
Samedi et dimanche à 16h30
Durée 1h10
Théâtre de l’Epée de bois
Cartoucherie de Vincennes
Route du Champs de Manœuvre
75012 Paris
Réservations : 01 48 08 39 74
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