À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Joséphine, chorégraphie de Germaine Acogny et Alesandra Seutin, mise en scène de Mickaël Serre / le Sacre du printemps, musique d’Igor Stravinsky, chorégraphie de Pina Baush, Ecole des sables, au Théâtre des Champs-Elysées

Joséphine, chorégraphie de Germaine Acogny et Alesandra Seutin, mise en scène de Mickaël Serre / le Sacre du printemps, musique d’Igor Stravinsky, chorégraphie de Pina Baush, Ecole des sables, au Théâtre des Champs-Elysées

Sep 28, 2025 | Commentaires fermés sur Joséphine, chorégraphie de Germaine Acogny et Alesandra Seutin, mise en scène de Mickaël Serre / le Sacre du printemps, musique d’Igor Stravinsky, chorégraphie de Pina Baush, Ecole des sables, au Théâtre des Champs-Elysées

 

© Cyprien Tollet

ƒƒ article de Denis Sanglard

Germaine Acogny rend hommage à Joséphine Baker dans ce théâtre qui il y a 100 ans précisément dans la Revue Nègre la consacrât, en fit une icône. Image d’un fantasme colonial dont elle se défit, détourné et déconstruit, pour un combat plus âpre, celui de la liberté absolue. La danse, le corps noir de Joséphine Baker devint incidemment et lucidement un espace politique. Du Théâtre des Champs-Elysées au Panthéon, ce fut un destin exceptionnel. Ce n’est donc pas tant à la danseuse que Germaine Acogny rend hommage qu’à la femme moderne, engagée dans la résistante, militante des droits de l’homme, luttant contre le racisme auprès de Martin Luther King, mère protectrice d’une tribu arc-en-ciel. C’est tout ça qu’évoque dans ce solo la présence magnétique de Germaine Acogny, cette encore haute silhouette majestueuse d’une femme de 80 ans, mère de la danse africaine, créatrice de l’Ecole des sables, qui non plus ne désarme, insoumise comme ces amazones mythiques du Dahomey dont elle revendique sa filiation.

Au commencement il y ce rituel où Germaine Acogny devant la poupée Ashanti, symbole de fertilité et puissance de la création, semble convoquer Joséphine Baker. Puis vient le mouvement où l’on reconnait la gestuelle singulière, unique, de celle qui fut meneuse de revue. Mais Germaine Acogny ne danse pas, n’imite pas, elle est dans l’évocation où le geste simplement esquissé dessine une silhouette reconnaissable entre toute, immortalisée par le peintre Paul Colin. Puis vient l’ascendance revendiquée, affirmée avec exigence par Germaine Acogny, où le geste traditionnel de la danse africaine revenu rejoint naturellement celui de la Revue Nègre évoquée nous signifiant ainsi sa source première et sa légitimité, qu’une banane jetée dans le public résume sèchement. Souvenir d’une ceinture légendaire, sceau d’une vision coloniale et raciste résumant de facto Joséphine Baker à « une danse de sauvage » et que Germaine Acogny se refuse à porter pour n’être ceinte que d’une ceinture africaine traditionnelle. Ainsi de Germaine Acogny et Joséphine Baker, d’un continent l’autre, il n’y a qu’une seule identité réelle, un seul corps identitaire, politique. Sans doute faut-il y voir là source de l’engagement de Joséphine Baker, souligné subtilement par Germaine Acogny, la réappropriation de ses racines africaines, elle dont l’aïeule fut esclave, qui oblige par force au combat, à l’insoumission devant le racisme systémique. C’est donc bien à la femme puissante, résistante, militante, que Germaine Acogny rend hommage et s’identifie. Se résumant ici à ces quelques mots cinglants évoqués, creuset d’une révolte et d’une lutte contre les inégalités, « ni juifs, ni chiens, ni négre ». La force indéniable de ce solo tient à la fois de sa simplicité et de son évidence, où l’amorce d’un geste concentre une vie  -privilège de l’âge-,  qui vous saute à la figure. Non, Germaine Acogny ne se prend pas pour Joséphine Baker mais dans l’évocation sensible de cette figure devenue universelle, dans le dialogue virtuel qu’elle instaure avec elle, sous l’angle de la danse et d’une vie de combat exemplaire, elle interroge sa propre pratique, son propre engagement qui l’inscrit naturellement dans ce mouvement sororal irrésistible et légitime où la danse, le corps en avant, est un acte de résistance et d’émancipation.

 

Joséphine, chorégraphie de Germaine Acogny et Alesandra Seutin

Mise en scène de Mickaël Serre

Musique originale : Fabrice Bouillon-LaForêt

Lumière, scénographie : Fabianna Piccioli, Enrico Bagnoli

Costumes : Paloma

 

© Marteen Vanden Abeele

Le Sacre du printemps, chorégraphie de Pina Baush

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

1975, Pina Bausch crée Le sacre du printemps, œuvre à jamais majeure de la danse contemporaine. C’est aujourd’hui la première fois qu’il est interprété par un ensemble spécialement recruté et la première fois par des danseurs de 14 pays africains, coproduction entre la Fondation Pina Bausch, l’Ecole des sables et le Sadler’s Welle à Londres. Et sous la direction de Joséphine Ann Endicott et Jorge Puerta Armenta, anciens danseurs du Tanztheater Wuppertal. Et le résultat est là, ô combien éclatant ! Et qui vous saisit sèchement et vous broie avec bonheur par son impacte brute et sa beauté rêche, bouleversant d’humanité et d’universalité. Les danseurs, totalement immergés dans la musique de Stravinsky, ne font plus qu’un avec elle, indissolubles de cette partition spectaculaire qui les mène au plus profond d’eux-mêmes. Il y a là, incontestablement, quelque chose d’indiciblement et de magnifiquement tripal, viscéral, instinctif, au-delà de toute maîtrise technique pure dont ils se dégagent pour atteindre quelque chose d’unique, une vérité crûe et sans apprêt. Un engagement absolu des danseurs, une urgence vitale à s’emparer de cette œuvre et de la faire sienne avec une profondeur tragique saisissante au risque de la perte. C’est une transe collective, explosive, implosive, où les corps s’épuisent sans retenue, sacrifiés dans un cérémonial abrasif, un rituel âcre et archaïque comme venu des profondeurs d’une humanité balbutiante et farouche. Les corps claquent, s’entrechoquent, s’embrassent, éclaboussés, poissés de terre que foulent et rythme en cadence les pieds, fortement ancrés dans le sol dont ils s’arrachent avec peine. Les mouvements sont rudes, implacables, les corps habités d’une forte tension palpable qui jamais ne se relâche. « Comment danseriez-vous si vous saviez que vous alliez mourir ? » demandait Pina Bausch. La réponse est là, magistrale, vibrante, cinglante et sublimée jusqu’à l’acmé par ces jeunes danseurs qui s’emparant de cet héritage donné, ne lui offrant pas seulement une nouvelle lecture, mais une nouvelle et formidable énergie, inscrivant désormais au patrimoine chorégraphique africain, déjà riche, une nouvelle et légitime partition.

 

Le Sacre du printemps, chorégraphie de Pina Baush

Musique : Igor Stravinsky

Scénographie et Costumes : Rolf Borzik

Collaboration : Hans Pop

Direction artistique : Joséphine An Endicott, Jorge Puerta Armenta, Clémentine Deluy

Direction des répétitions : Çağdas Ermis, Ditta Miranda Jasjfi, Barbara Kauffman, Julie Shanahan, Kenji Takagi

Les Siécles

Direction : Giancarlo Rizzi

Avec : Kouassi Rodolphe Allui, Dovi Afi Anique Ayiboe, Ugwarelojo Gloria Biachi, Khadija Cisse, Sonia Zandile Constable, Rokhaya Coulibaly, Inas Dasylva, Astou Diop, Loue Serge Arthur Dodo, Joannie Diane Christie Dossou, Yoro Pierre Marie Fallet, Adjo Delali Foli, Alexandre Garcia, Aoufice Junior Gouri, Manuella Hermine Kouassi, Tom Bazoumana Kouyaté, Profit Lucky, Vasco Pedro Mirine, Stéphanie Ndaya Mwamba, Sidnoma Florent Nikiéma, Shelly Tetely Ohene-Nyako, Brian Oloo, Harivola Rakotondrasoa, Oliva Randrianasolo, Tom Jules Samie, Amy Collé Seck, Pacôme Landry Seka, Carmelita Siwa, Amadou Lamine Sow, Kadidja Tiemanta, B Abdoul Aziz Zoundi

 

Jusqu’au 28 septembre 2025

 

Théâtre des Champs-Elysées

15 avenue Montaigne

75008 Paris

réservations : www.theatredeschampselysées.fr

 

 

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