À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Étincelles, pièces courtes de Jon Fosse, mise en scène de Gabriel Dufay, au Studio-Théâtre, Comédie-Française, Paris

Étincelles, pièces courtes de Jon Fosse, mise en scène de Gabriel Dufay, au Studio-Théâtre, Comédie-Française, Paris

Sep 25, 2025 | Commentaires fermés sur Étincelles, pièces courtes de Jon Fosse, mise en scène de Gabriel Dufay, au Studio-Théâtre, Comédie-Française, Paris

 

© Vincent Pontet

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Étincelles est tout d’abord une très bonne chose, parce c’est la première fois que Jon Fosse, prix Nobel de Littérature 2023, est mis en scène à la Comédie-Française par Gabriel Dufay, qui est également traducteur en français de Jon Fosse. Sous nos applaudissements ! Et il s’agit de la présentation d’un texte, de quatre courtes pièces et de sept poèmes : Quand un Ange passe par la scène*, Pendant que la lumière baisse et que tout devient noir, Poèmes (extraits), Liberté, Poèmes (extraits), Là-bas, Poèmes (extraits), et Vivre dans le secret*. On peut se demander comment vont fonctionner toutes ces « étincelles » pendant un spectacle assez court. Eh bien avec une facilité exemplaire et remarquable. Qui va nous emporter, parfois vers des souvenirs, parfois vers des envies de monter sur scène pour rassurer, soutenir ceux qui sont en face de nous et ne sont, rappelons-le que des comédiens et des comédiennes, si on peut dire « que » à la Comédie-Française. Tous ces textes utilisés se suivent, se superposent, se mêlent presque, sans sonnette d’alarme lorsqu’on passe de l’un à l’autre. Sans le savoir, les sentirait-on, ces passages, ces différences ?

Ce spectacle Étincelles nous met face à deux femmes et trois hommes, plongés dans des histoires diverses, et qui discrètement donc se font suite, se croisent sans se remarquer. Des personnages prisonniers d’histoires d’amour, imaginez donc. Et puis pendant un instant, entouré d’étrangeté délicate et surprenante, un ange (?) qui tente avec difficulté de montrer le droit chemin, qui commente, explique. Des couples se disant adieu, tentant de le faire, avec toute la douleur que cela transporte, ramène et projette encore, encore. Alors que oui, il faut dire non ! Ou bien des personnages seuls, noyés dans le souvenir et qui pourtant ne cessent de le brandir, ce souvenir, de s’y cogner, s’y abattre. Ils ou elles ont trompé, cassé, ne savent même pas vraiment pourquoi, ou ne se l’avouent pas. Même partir est douloureux, ils veulent être pardonnés, et se cognent à l’oubli, à un nouveau départ, à de nouvelles histoires qui ont commencé, plus tard, à cause d’eux… Douleurs de la rupture, valse d’hésitations. Des deux côtés. Nous sommes face à l’essence de l’amour, qui n’a besoin ici que d’étincelles, encore une fois, pour s’enflammer.

L’ange est surprenant, patient, attentif. Les visages nous terrassent de sensibilité. Moment extraordinaire entre cette femme qui veut revenir chez l’homme qu’elle a abandonné pour un autre, dans son nouvel appartement, penaude et présentant ses excuses, et avec ses bagages, chez un homme qui refuse donc. Une autre femme est là, la salue d’une sympathique froideur exemplaire, son mari s’est, entre temps, remarié… La nouvelle épouse lui fait comprendre avec un sourire fantastique, une froideur sympathique, qu’elle n’a plus rien à faire ici et qu’elle n’a que deux secondes pour reprendre l’ascenseur, vers le bas. Splendide !

Et les gamins dans tout ça ? Ils existent mais leur douleur n’est pas approchée. Le couple uniquement, l’amour, son hypocrisie, ses erreurs. Sa joie ? Allez savoir… Étincelles dépose tout cela face à nous, nous éclabousse. Une heure et quinze minutes, moments répétés, remués, bonheur et son inverse, vérité nue. Un minuscule moment de trop, à la fin où le texte s’étend juste après un instant splendide. Ne nous plaignons pas, tout de même !

 

© Vincent Pontet

 

Étincelles, de Jon Fosse

Mise en scène : Gabriel Dufay

Avec : Didier Sandre, Anna Cervinka, Clément Bresson, Sefa Yeboah, Morgane Real

Traduction : Camilla Bouchet, Gabriel Dufay, Marianne Ségol et Terje Sinding

Scénographie : Margaux Nessi

Costumes : Aude Désigaux

Lumières : Sébian Falk-Lemarchand

Son : Samuel Robineau

 

Studio Théâtre

Comédie-Française

99, rue de Rivoli

Galerie du Caroussel du Louvre

75001 Paris

www.comedie-francaise.fr

 

Du 18 septembre au 2 novembre 2025

Durée 1h15

 

Et le 6 octobre à 19h, au Vieux-Colombier : Autour de Jon Fosse

 

Be Sociable, Share!

comment closed