À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements, Festivals // Radio Live (I- Vivantes ; II- Nos vies à venir ; III- Réuni.es), d’Aurélie Charon, Théâtre Benoît XII, Festival d’Avignon In

Radio Live (I- Vivantes ; II- Nos vies à venir ; III- Réuni.es), d’Aurélie Charon, Théâtre Benoît XII, Festival d’Avignon In

Juil 25, 2025 | Commentaires fermés sur Radio Live (I- Vivantes ; II- Nos vies à venir ; III- Réuni.es), d’Aurélie Charon, Théâtre Benoît XII, Festival d’Avignon In

 

Vivantes © Christophe Raynaud-Delage

ƒƒ article d’Emmanuelle Saulnier

Pour chacun des trois épisodes de Radio Live le même dispositif est appliqué : un plateau très éclairé, des néons de couleurs à l’horizontale de chaque côté, un grand écran de projection en fond de scène, trois tables carrées avec des micros, eux aussi de couleurs vives, trois témoins, la musicienne Emma Pratt équipée d’un petit synthé et une guitare à cour, ainsi que la graphiste Amélie Bonnin, Aurélie Charon en hautes bottines et robe jaune, micro et conducteur à la main, qui prononce pour commencer cette même accroche, tapée en direct par Amélie Bonnin et se projetant sur l’écran : « On n’est plus à la radio, on n’est plus sur les réseaux sociaux, on est au même endroit, au même moment et ça commence maintenant ».

Aurélie Charon, de sa douce et calme voix de radio, enchaîne les questions après avoir précisé que « rien de ce qui est dit est écrit ». Comme on est au théâtre, on fait donc semblant de croire que les réponses de ses invités sont spontanées, même si au moins pour certains d’entre eux, elles ne le sont pas, la preuve étant donnée si besoin était par Hala Rajab dont nous n’avons pas bien compris d’ailleurs pourquoi elle revient à deux reprises, relatant avec les mêmes mots certaines parties de son histoire dans les deux chapitres.

Ce sont, si l’on peut s’exprimer ainsi, des mises sur le plateau que propose Aurélie Charon dans la suite de rencontres réalisées pour des séries radiophoniques avec Caroline Gillet, qui ont commencé au début du « Printemps arabe » avec la jeunesse algérienne en 2011. Le projet s’est poursuivi les années suivantes sur d’autres zones géographiques et tourne dans les théâtres (Bouffes du Nord, Quartiers d’Ivry…) depuis et fait voyager le public de Tel Aviv à New Delhi, en passant par Sarajevo, Marseille, Dakar… A Avignon, huit personnes ont été réunies venant de zones de conflits actuelles ou passées (Syrie, Gaza, Bosnie, Ukraine, Liban, Rwanda), mais aussi une franco-marocaine vivant à Avignon. Le premier chapitre (Vivantes) avait été créé à Chaillot en 2024, les deux autres (Nos vies à venir ; Réuni.es) sont des créations pour la 79ème édition du Festival.

 

               Nos vies à venir © Christophe Raynaud-Delage

L’idée de Radio Live semble être d’entrer dans l’intimité de familles, par l’intermédiaire d’une personne représentative (et jeune), pour mieux saisir la réalité du conflit, des tensions géopolitiques, du quotidien dans le pays d’origine et des éléments déclencheurs de l’exil (comme l’on dit à l’OFPRA ou à la CNDA), de la vie en France, du retour dans le pays. Certaines séquences apprennent plus que d’autres et émeuvent à des degrés divers ou selon les sensibilités de chacun et proximité avec les lieux explorés. Le public est d’ailleurs pris à partie en fins d’épisodes, des questions (peut-être formulées légèrement différemment) lui étant posées par les invités ou Aurélie Charon elle-même, dans le prolongement de ce qui s’est joué sur scène : avez-vous déjà perdu un proche ? ; vous est-il déjà arrivé de danser dans un moment difficile ? ; un plat de votre pays peut-il permettre de réconcilier des gens entre eux ?…

Il n’y a rien à redire évidemment de l’intérêt de tout ce qui est raconté, de l’empathie que suscite chaque histoire et chaque personnalité, mais le procédé théâtral peut interroger, ainsi que les outils dramaturgiques utilisés ou non utilisés. Si la chanteuse Emma Pratt est une vraie révélation (voix sublime, rythme de ses interventions, maîtrise de la sonorité de plusieurs langues, que ce soit la chanson irakienne chantée par les Syriens pendant la révolution dans le chapitre II ou en ukrainien ou bosniaque dans le chapitre I, ou encore en kinyarwanda dans le dernier), les interventions graphiques en direct ne convainquent pas car elles paraissent par moments laborieuses et assez dénuées d’intérêt. Les enchaînements parfois surprennent entre les témoignages en live, les enregistrements avec des membres de la famille restés sur place ou les voyages organisés forçant des croisements ou des leçons à tirer entre des zones qui n’ont rien en commun et ne peuvent conduire qu’à des conclusions louables, pleines de bons sentiments sur l’entraide, la bienveillance, la résilience (ce mot valise) et la nécessité de justice ou de paix (« on ne sait pas s’il faut la justice avant la paix ou l’inverse » est-il dit au début du chapitre III) passant par les gens eux-mêmes (par exemple les gacaca, tribunaux populaires ou communautaires rwandais qui serviraient de modèle pour les Syriens). On aurait sans doute aimé davantage d’idées scénographiques pour donner du sens au récit sur le plateau à proprement parler, à l’image du rouleau de scotch étiré sur la scène et qui se prolonge dans la vidéo projetée pour signifier la frontière à Gaza (dans le chapitre II- Nos vies à venir).

Au final, la question à laquelle on ne prétend pas répondre est : où se situe l’acte théâtral ? En dépit du réconfort ressenti par les standing ovations systématiques démontrant évidemment qu’il y a encore de l’humain dans cette commune sensibilité, laquelle est sans doute bien confortable depuis nos fauteuils de festivaliers, est-ce que l’origine de cette catharsis fait vraiment théâtre ? Si le théâtre est toujours politique, tout sujet politique ne fait pas théâtre, ni ne peut évidemment espérer régler les maux de l’humanité, et notamment cette question au cœur ou transversale à tous les épisodes : la réconciliation. La réconciliation entre les populations concernées en première ligne et les réparations nécessaires sont en effet une toute autre histoire et offre peu d’espoir, si l’on se fie au néanmoins « repenti » libanais phalangiste Assad Chaftari dans l’une des interviews : « dans notre culture, on ne dit jamais pardon » …

 

Réuni.es © Christophe Raynaud-Delage

Radio Live

Conception et écriture scénique : Aurélie Charon

En complicité avec Amélie Bonnin et Gala Vanson

Création musicale : Emma Prat

Création visuelle live : Gala Vanson

Identité graphique : Amélie Bonnin

Images filmées : Hala Aljaber, Aurélie Charon, Thibault de Chateauvieux

Lumière : Thomas Cottereau

Montage vidéo : Céline Ducreux, Mohamed Mouaki

Espace scénique : Pia de Compiègne

Régie générale et vidéo : Thomas Cottereau

Régie lumière : Vincent Dupuy

Régie son et mixage : Benoît Laur

Production : Mathilde Gamon

Rencontres issues des séries radiophoniques et des voyages d’Aurélie Charon et Caroline Gillet

Avec :

Pour Vivantes : Oksana Leuta (Ukraine), Hala Rajab (Syrie), Ines Tanović (Bosnie)

Pour Nos vies à venir : Amir Hassan (Gaza), Rayane Jawhary (Liban), Hala Rajab (Syrie)

Pour Réuni.es : Karam Al Kafri (Palestine/Syrie), Sihame El Mesbahi (France/Maroc), Yannick Kamanzi (Rwanda)

 

Durée : 2h20 par épisode

Du 17 au 21 juillet à 17h

 

Théâtre Benoit XII

12 rue des Teinturiers

84000 Avignon

www.festival-avignon.com

 

En tournée :

6 et 7 octobre 2025 : Le Méta Centre dramatique national de Poitiers

14 au 18 octobre 2025 : Festival TRANSFORME, Théâtre de la Cité Internationale, Paris

8 et 9 novembre 2025 : Théâtre Nanterre-Amandiers, Centre dramatique national, Paris

27 et 28 novembre 2025 : Théâtre Sartrouville Yvelines Centre dramatique national

2 et 3 décembre 2025 : Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon

10 décembre 2025 : MC93 Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, Bobigny

11 décembre 2025 : Institut du Monde Arabe, Paris

Du 7 au 15 janvier 2026 : Théâtre national de Strasbourg

23 et 24 janvier 2026 : Festival TRANSFORME, Comédie de Clermont-Ferrand

27 janvier 2026 : Scènes du Golfe, Vannes

5 février 2026 : Festival FARaway avec Nova Villa, La Comédie de Reims

Du 27 février au 1 mars 2026 : Bonlieu Scène nationale d’Annecy

20 et 23 mai 2026 : Festival TRANSFORME, Théâtre National de Bretagne, Rennes

Juin 2026 (date à confirmer : Les Nuits de Fourvière, Lyon

 

 

 

 

 

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed