© Gestuelle

ƒƒ article de Denis Sanglard

Sara Forever, Matthieu Barbin… une seule et même personne, une double identité réflexive, l’invention de soi comme acte politique avec au centre le corps affranchi des normes, espace de liberté et d’utopie comme le définit Michel Foucault. Matthieu Barbin, danseur, performeur, drag-queen flamboyante, figure augmentée d’un idéal féminin, camp et glamour, poursuit une œuvre nourrie de l’intime (Les 100 000 derniers quart d’heure), le spectacle et les figures populaires, un champ performatif et phénoménologique où le rapport au monde se fait à partir du corps, ici jeté dans la bataille pour se déprendre des préjugés dans l’affirmation crâne de sa propre identité, de son genre. Le Festival Paris l’été invite cet inclassable trublion pour une carte blanche. Accompagné d’artistes de la scène queer, drag-queen et drag-king, Diva Beirut, Power Beau Tom et, celle qui se définit au regard des créatures qui l’entourent comme une femme ordinaire, Dalila Khatir, dont la voix blues-rock vous tétanise, Matthieu Barbin sur la grande scène du Jardin des Tuileries fait son cabaret. Et ce jardin qui l’entoure devient le lieu d’une réflexion sur son histoire et l’importance qu’il eut dans l’histoire de la communauté gay. Lieu de cruising, de rencontres pour des ébats furtifs, des échanges tarifés, c’est à ses corps en demande de sexe, ou plus si affinités, quand la loi condamnait encore l’homosexualité que rend hommage Matthieu Barbin. Les Tuileries comme un premier acte d’émancipation, de défi aussi, où l’on brûle ses vaisseaux, comme le fut symboliquement (et pour métaphore ici) l’incendie du Palais éponyme en mai 1871 par la Commune, raconté en préambule par Stéphane Bern… Ceux que Sara Forever appelle joliment « les faunes », aussi sluttys soient-ils, que l’on nommait jadis les Jésus ou Petit Jésus, allez savoir pourquoi, qui hantaient les allées et les buissons de ce « Jardin extraordinaire » que chantait Charles Trenet, étaient les marqueurs d’une époque qui vouait les homosexuels à la clandestinité. Epoque où la maîtrise du corps social se devait assujettir le corps physique, garant d’un ordre hétéronormé. Ces quatre-là, héritiers affranchis de ces corps par force clandestins, leur rendent à leur façon hommage et dignité. C’est aussi de ce lieu chargé d’histoire(s) inscrire de fait ce jardin dans une topographie à la marge de l’Histoire mais dont elle est aussi constitutive pour lui-même et la communauté LGBTQIA+. Hommage en chansons, en poésie, reprises et adaptations queer de tubes adoubés par la communauté homosexuelle, écho de leurs toujours préoccupations, reflet de leur combats pour des droits acquis de haute lutte et toujours fragile sous les coups de boutoir conservateurs. Histoire d’amour, de sexe et de genre dont le jardin des Tuileries fut le témoin muet et l’abri précaire. Etonnante version camp par Power Beau Tom, de l’iconique « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer, devenu par la grâce de ce drag-king un torch-song poignant. Il y a bien d’autres surprises et l’humeur bon-enfant, le côté un peu foutraque, l’humour subversif de ce cabaret mâtiné de rock, de pop acidulée et de poésie clamée, tout ça est jubilatoire, n’oblitère cependant pas l’engagement réel de ces artistes. Ce cabaret sous les strass, les paillettes et les perles, mine de rien est bien un manifeste camp et queer en hommage à ces invisibles qui firent de ce jardin un espace de liberté où s’ébattre était aussi, est encore, un premier combat.

© Gestuelle

Slutty Fauns, Une garden party, conception et performance de Matthieu Barbin

Avec Matthieu Barbin/Sara Forever, Dalila Khatir, Diva Beirut et Power Beau Tom

Du 23 au 25 juillet 2025 à 19h

Durée 1h

Jardin des Tuileries Domaine du Louvre

75001 Paris

Réservations : 01 44 9498 00

www.parislete.fr

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