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Israel & Mohamed, de Mohamed El Khatib et Israel Galván, Cloître des Carmes, Festival d’Avignon (In)

Juil 18, 2025 | Commentaires fermés sur Israel & Mohamed, de Mohamed El Khatib et Israel Galván, Cloître des Carmes, Festival d’Avignon (In)

 

© Christophe Raynaud-Delage

 

ƒƒ article d’Emmanuelle Saulnier

Il en fallait du culot pour intituler un spectacle Israel & Mohamed par les temps qui courent et faire apparaître, qui plus est, une mosquée sur le sommet d’un couvent de carmélites du XIIIème siècle !

Il en fallait de l’audace aussi pour écrire une nouvelle Lettre au père, après celle de Kafka…

Il fallait enfin un sacré goût de la provocation pour faire danser en djellaba un danseur de flamenco andalou qui, contrairement à ce que son prénom pourrait faire croire, fut témoin de Jehova.

Vive le culot, l’audace et la provocation !

Quel régal que cette petite forme ovni de spectacle vivant !

Israel & Mohamed dialoguent en traversant le plateau comme un échauffement de foot (amélioré !), passion commune frustrée, par des pères non consentants, dont l’un n’hésitait pas à crever les ballons à chaque fois que les cours de flamenco étaient séchés, et l’autre à désapprouver les aspirations de son fils pour lequel il s’est pourtant « sacrifié à l’usine » et dont il approuve encore moins la passion pour le théâtre. Des autels leurs sont dressés à ces pères qu’ils n’ont pas choisis et qu’ils n’auraient sans doute pas choisis (on connaît la chanson… on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille…) et qu’ils ont cherché à contredire de manière forcenée.

Israel & Mohamed sont dans ce spectacle pleinement en accord avec la vie d’artiste(s) qu’ils ont choisie : le détournement, la légèreté apparente des formes, la maîtrise du fond, l’absurde et la cocasse. Deux frères de cœur, nés de pères qui pourraient être jumeaux, même si l’un est né en Andalousie et l’autre au Maroc.

Mohamed traduit la pensée ou les quelques phrases prononcées par Israel, qui se retrouve mieux dans les zapateados de la plus grande technicité, et dans ses adaptations toutes personnelles des buleria et autres seguiriya dansés donc à sa manière… hétérodoxe, que dans la parole. Il suffit de quelques minutes de vidéo avec son père, prototype du mâle alpha surpuissant, père étouffant et castrateur, homophobe, traînant son fils dans les tablaos pour faire danser le génie précoce encore dans les rangs, mais aussi dans les maisons closes, pour en faire un homme sûrement, un vrai !  Il y avait de quoi devenir bègue et choisir de regarder par terre plutôt que le menton relevé tout en accumulant médailles et trophées (à la différence du père tout directeur d’école de flamenco traditionnel qu’il soit et plein de mauvaise foi) après s’être fait casser des œufs frais sur la tête pour tenter de renforcer une chevelure de danseur de flamenco qui doit être abondante comme il se doit.

Mohamed quant à lui a rejeté prière (en dépit du don du tapis en soie et en faisant une petite exception pour rouvrir la porte du paradis à sa mère, dont il nous avait fait connaître son « grand palais » à Paris juste avant Avignon) et carrière de fonctionnaire (même si « docteur » – sic – de Sciences Po) pour mettre en scène sa vie et celle des autres et conjurer ainsi une enfance ponctuée par des lâchers de babouches et volées de ceinturon.

Mohamed en short et tee-shirt affichant Tanger (où il retournait chaque année en Renaud 12 comme on le sait depuis son expo au Mucem en 2023) et son côté mécréant, propose un pas de deux charmant avec Israel, son nouveau complice qu’il affuble d’une djellaba, lequel troque ses bottines blanches contre des babouches ou des chaussures à crampons, comme s’il n’y avait aucune limite possible à son art y compris dans ses attributs. 

Le duo final reproduisant celui « ambigu » de Mario Maya avec El Guito vu en vidéo noir et blanc quelques minutes plus tôt et que le père ne trouvait pas très viril en dépit de son admiration pour le célèbre danseur est hilarant.

Un spectacle tendre et cruel, drôle et cynique à la fois, mais plein d’espoir surtout…

 

© Christophe Raynaud-Delage

 

Israel & Mohamed : conception, Mohamed El Khatib et Israel Galván

Scénographie : Fred Hocké

Vidéo : Zacharie Dutertre, Emmanuel Manzano

Son : Pedro León

Costumes : Micol Notarianni

Direction technique : Fred Hocké, Pedro León

Construction : Pierre Paillès, Géraldine Bessac

Production : Rosario Gallardo, Gil Paon

Avec : Mohamed El Khatib et Israel Galván

 

Durée : 1h15

En français et en espagnol

Se joue encore à Avignon du 19 au 23 juillet à 22h

  

Cloître des Carmes

62 rue des Lices

84000 Avignon 

www.festival-avignon.com 

 

Tournée :

7 octobre 2025 : Festival Les rendez-vous de l’Histoire à la Halle aux grains, Scène nationale de Blois

11 et 12 novembre 2025 : Festival RomaEuropa (Rome, Italie)

26 au 30 novembre 2025 : Théâtre National Wallonie-Bruxelles (Bruxelles, Belgique)

10 au 20 décembre 2025 : Festival d’Automne, Théâtre de la Ville (Paris)

8 et 9 janvier 2026 : Théâtre de l’Agora Scène nationale d’Evry

30 et 31 janvier 2026 : Le Volcan Scène nationale du Havre

3 et 4 février 2026 : TANDEM Scène nationale (Douai)

10 au 14 février 2026 : Théâtre National de Bretagne (Rennes)

25 au 28 février 2026 : Comédie de Genève (Suisse)

23 et 24 mai 2026 : Mixt (Nantes)

 

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