ff article de Denis Sanglard
Sur le principe d’une rave techno et de son corolaire obligé, la transe, MazelFreten (Laura Defreti, & Brandon Masele aka Nala et Miel) chorégraphie sur une musique électro/house mâtinée de techno pure, un ballet hypnotique et joyeusement rageur allant crescendo dans une pulsation infernale. Mais dans un principe original ici du stop and go, se permet de briser net l’élan et l’impulsion donnés pour des plages d’une lenteur innatendue, voire parfois un véritable lâcher-prise (mais toujours sous contrôle). Ce que l’on retient surtout c’est le collectif en totale immersion dans cette proposition singulière, en symbiose et d’une parfaite et redoutable synchronicité. Mouvement de bras qui déchire l’espace sèchement, corps ondulant au bord de la cassure, vitesse d’exécution, souci du graphisme, de l’occupation de l’espace, avec toujours cette même énergie jusque dans la décomposition du mouvement réitéré dans une décélération impromptue, passagère et toujours transitoire. Un contraste, impression étrange où le taï-chi méditatif s’inviterait au milieu d’un krump bien énervé, qui souligne paradoxalement avec force le dessin et le graphisme impeccable du geste et de l’ensemble de cette chorégraphie explosive. C’est dans l’expression collective que Rave Lucid révéle le mieux sa toute-puissance et son impact indéniable avec quand même le souci de préserver la personnalité de chacun, ce flow qui les traverse et qui leur appartient en propre et les transcende. Simulis et singulis pourrait être la devise de ce collectif qui n’hésite pas non plus au milieu de cette performance électrique à réintroduire le principe de la battle non plus dans la compétition et le défi mais dans un partage ou le mouvement, comme marqueur fondamental, se fait relai et lien de l’un à l’autre. Une volonté de communion, de rencontre fermement tenue, acte de résistance évident devant la déségrégation d’une société individualiste. On est emporté par cette vague submersive qui mariant hip hop et électro, crève l’espace et crame les planches du plateau. Si nous devions être quelque peu vétilleux on peut regretter que l’espace ouvert dilue quelque peu l’impact certain de cette danse, particulièrement les précieux instants où la lenteur s’invitant la technicité s’efface pour des instants de pure beauté, qui sans doute doit donner toute sa (dé)mesure et sa charge dans un espace clos. La pluie s’invitant et qui tambourina les spectateurs n’a aucunement empêché ceux-ci de rester, quoique trempés comme une soupière, frappés, happés par ce qui sur la scène finissait par déborder jusque dans les gradins humides, une énergie viscérale communicative que ces dix danseurs venus du monde entier offraient comme spontanément en partage.
Rave Lucid, conception et chorégraphie MazelFreten (Brandon Miel Massele & Laura Nala Defretin)
Lumières : Judith Leray
Musique : Nikit / Ino & fille de minuit
Costumes : Sting Masele & Emma Deat
Avec : Téo Le Mino Cellier, Filipe Filfrap Pereira Silva, Théa X23 Haggiag-Meier, Manuela Emrose Le Daeron, Alice Aliche Lemonnier, Adrien Vexus Larrazet, Khaled Cerizz Abdulahi, Jonathan Vision Lutumba, Ainhoa Otero, Jade Jaddow Mienandi
Danseurs remplaçants : Jonathan Vision Lutumba, Ainhoa Otero
Du 16 au 18 juillet 2025 à 19h
Durée 50 mn
Jardin des Tuilerie Domaine du Musée du Louvre
Carré des sangliers
75001 Paris
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