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La sœur de Jésus-Christ, d’Oscar de Summa, mise en scène Georges Lini, Festival OFF Avignon

Juil 17, 2025 | Commentaires fermés sur La sœur de Jésus-Christ, d’Oscar de Summa, mise en scène Georges Lini, Festival OFF Avignon

ƒƒƒ article de Sylvie Boursier

« Quand tu dois tirer, tire, cause pas ! disait Sergio Leone ». Maria saisit un Smith & Wesson 9 mm et marche. On se doute bien que ce n’est pas pour sucrer les fraises, elle se donne en pâture à tous les regards, la belle Maria, sous le soleil des Pouilles, vers la route du sel qui conduit au village.

Bienvenue à Erchie, province de Brindisi, cité médiévale et ville d’Europe.

Raide comme la justice, personne ne pourra l’arrêter, chacun s’y essaie pourtant : « Ne fais pas la folle Maria […] le cœur sur la main, je te dis comme une mère, mon cœur qui saigne comme celui de Jésus, ne le tue pas », chacun prend position, Renzo Casse Auto, Cosimino la Terre Tremble, Angelino La Sclérose, Peppino la Barrique, leurs femmes, mères et filles, jusqu’à l’ancienne institutrice de Maria qui ne mâche pas ses mots : « Que Dieu vous maudisse tous, et ce ver que vous avez entre les jambes et que vous passez votre temps à sortir comme si c’était une chose importante, espérons qu’il tombe. De toute façon, tôt ou tard il arrêtera de se mettre au garde à vous et alors je voudrais bien la voir, toute votre morgue. »

Maria finit par entrer dans le magasin de meubles d’Angelo le Couillon, son magnifique violeur, un coup de feu retentit. Qui a tiré ? Sur qui ? Sur quoi ? en l’air ? Sur une Croix ? Sur cette chape de plomb dans leur chair ? L’histoire ne le dit pas. « Certains matins dans les Pouilles […] on peut aussi mourir de beauté. ».

L’écriture syncopée d’Oscar de Summa suit la marche de Maria, sa phrase est rythmée, quotidienne, drôle et tragique. Georges Lini, le metteur en scène, dessine un long plan séquence du village qui interpelle Maria. Des vêtements tombent du ciel. Félix Vanoorenberghe dans le rôle du conteur anonyme, incarne toutes les voix, il lui suffit de changer de costume, plus de trente en tout, à la fin la communauté pend sur des cordes à linge et nous regarde. La scénographie va à l’essentiel, sacrée et profane. On pense à Pasolini qui filmait les traîne-misère comme des personnages de drame antique. Le souffle du comédien, sa scansion, ouvre un long travelling sur des terres arides, graines de fatalité. Dans Accatone, un malfrat souteneur, surpris par des policiers, s’enfuyait sur une motocyclette et finissait par s’écraser contre un mur en disant : « Enfin je me sens bien… « . Angelo le Couillon avouera qu’à travers le viol, il avait eu l’impression de se sentir vivant.

Une certaine histoire de la violence s’écrit ici.

Le spectacle respire grâce à la musicienne multi-instrumentiste Florence Sauveur, dont les rideaux sonores ponctuent délicatement le récit. Au fur et à mesure Felix psalmodie son texte porté par les vagues musicales.

Au salut, le public est debout, bouleversé par ce texte et ce jeune homme gracile de 29 ans qui s’offre à nous. Il a mille ans, Félix Vannoorenberghe, et vient de nous donner son sang, sa vitalité, sa grâce. Public d’Avignon et d’ailleurs arrête toi !