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Génération Mitterrand, de Léo Cohen-Paperman et Emilien Diard-Detœuf, Théâtre du Train bleu, Festival d’Avignon

Juil 14, 2025 | Commentaires fermés sur Génération Mitterrand, de Léo Cohen-Paperman et Emilien Diard-Detœuf, Théâtre du Train bleu, Festival d’Avignon

ƒƒ article d’Emmanuelle Saulnier

Quel est le point commun en 1981 entre un prof d’histoire-géo à Vénissieux, une journaliste parisienne et un ouvrier chez Arcelor à Belfort ? Avoir voté Mitterrand des papillons plein les yeux alors qu’ils étaient trentenaires. Et qu’est-ce qui différencie les mêmes en 2022 ? Avoir voté Mélenchon pour le premier, Macron pour la deuxième et Le Pen pour le troisième, se vouant dès lors une haine réciproque qui explose dès le prologue.

A partir de ces trois personnages archétypiques, qui s’éclatent dans la caricature, mais si finement que ça en est irrésistiblement hilarant et pertinent, la pièce Génération Mitterrand revient sur ces années des deux présidences Mitterrand entre espoir et désillusions, promesses et trahisons, communication et secrets d’Etat.

Les trois personnages offrent chacun leur vision de ces quarante années, leurs évolutions ou cheminements personnels dépendant de leur rapport à l’Europe, aux nationalisations, à l’immigration… Les trois comédiens jouent chacun leur personnage fictionnel en les alternant dans un rythme effréné avec le rôle principal (Mitterrand !) enchaînant les dates et parfois sous forme de flash-back, mais en introduisant aussi des personnages secondaires tout aussi désopilants, qu’il s’agisse de Pei Ming, Eric Zemmour ou Yves Calvi, mais aussi d’hommes (essentiellement) faisant partie de l’entourage politique (les maltraités Védrine, Attali, Rocard, Chevènement) et médical (la dissimulation du cancer et les manipulations autour de sa réplique fatale sont très astucieusement traités) du Président. Ils ne sont pas singés (à part peut-être le rire nerveux de Zemmour), mais tous bien identifiables.

Génération Mitterrand fait partie d’un cycle imaginé par Emilien Diard-Detoeuf consacré aux Présidents de la Cinquième République, appelé Huit rois (nos présidents) qui a débuté en 2020 avec La Vie et la mort de J. Chirac, et s’est poursuivi après l’opus consacré à Mitterrand par Le Dîner des français de V. Giscard d’Estaing en 2023 (la trilogie s’est jouée intégralement au théâtre à Paris, au printemps dernier et le troisième volet est également repris au Train Bleu jusqu’au 24 juillet) et continuera à la rentrée prochaine avec Sarkhollande (Comédie identitaire), @la-thérapie-d-emmanuel-macron et enfin La chanson de Charles (et le film de Georges). Chacun des spectacles avec leurs particularités et leurs angles d’attaque propres, dans des mises en scène et scénographies plus ou moins élaborées, abordent l’histoire de la Cinquième avec une intelligence caustique, un humour décapant bourré de références aux époques traversées, et de vraies performances d’acteurs. L’on ne peut que recommander chaudement de les voir tous dans leurs reprises en tournée à venir et de découvrir Génération Mitterrand en particulier à Avignon.

La mise en scène est ici rudimentaire, à la différence du Dîner des français de V. Giscard d’Estaing, ou d’autres spectacles politiques avec lesquels on peut voir des parentés (notamment la saga Je m’en vais si l’Etat demeure d’Hugues Duchêne dont on recommande L’Abolition des Privilèges vu à Paris cet hiver et qui se joue au même Théâtre du Train Bleu jusqu’au 24 juillet) mais cela ne nuit aucunement au spectacle qui nous transporte du Palais de l’Elysée au café central de Belfort, en passant par le studio radio de RTL. On revit la mort de Malik Oussékine, la marche des beurs, la campagne publicitaire de Séguéla, le référendum sur le Traité de Maastricht, le Brexit.

Porté par l’énergie débordante et les talents remarquables de Léonard Bourgeois-Tacquet, Mathieu Metral et Hélène Rencurel, le spectateur se délecte de leurs répliques savoureuses. On aimerait entendre plus souvent des textes aussi bien écrits et montés que celui de Léo Cohen-Paperman et Emilien Diard-Detœuf ! Un vrai théâtre politique populaire qui ne se prend pas la tête (en apparence) mais qui ne tire pas vers le bas, à la différence de moult spectacles démagogiques ces derniers temps.

Le spectacle Génération Mitterrand joue à guichet fermé dans la grande salle du Train bleu les jours impairs. Il faut donc anticiper !