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La couleur des souvenirs, écriture et mise en scène de Fabio Marra, au Théâtre du Balcon, Festival Off Avignon

Juil 07, 2025 | Commentaires fermés sur La couleur des souvenirs, écriture et mise en scène de Fabio Marra, au Théâtre du Balcon, Festival Off Avignon

ƒƒ article de Sylvie Boursier

Où se situe l’atelier du peintre Vittorio ? À Vigata peut-être, cité imaginaire du célèbre commissaire Montalbano, le héros bougon d’Andrea Camilleri. Vittorio (Dominique Pinon) a d’ailleurs quelque chose du policier grincheux et Andrea Camilleri, à la fin de sa vie, est devenu aveugle, comme le narrateur de Fabio Marra. Le peintre, à l’origine un faussaire aveugle aux autres, trouve le chemin de la vraie vue lorsqu’il est attaqué par la dégénérescence maculaire. Toute la pièce tient dans ce parcours intime, l’histoire d’un artiste métaphoriquement aveugle qui rencontre la vraie vision « la couleur des sentiments » au moment de sa cécité.

Sur un synopsis pareil on pourrait craindre la mièvrerie, il n’en est rien, grâce à la qualité d’interprétation des acteurs, en premier lieu Dominique Pinon, même si le texte n’évite pas certaines longueurs. Plus la vue de Vittorio se brouille, plus le son des mots, le rythme des phrases, la chair du texte prennent une importance capitale. Il peint désormais par le toucher, par la texture singulière du souvenir. Le temps semble s’être arrêté, un temps proustien à l’état pur. La scénographie détache du passé un présent éphémère et illusoire, recréé pour quelques instants, qui se défait ensuite tel un jeu d’ombres et lumières, par la magie du clair-obscur et de quelques accords musicaux. Plus la cécité progresse, plus l’espace s’ouvre avec une pluie de mots comme des confettis tombés de la nuit. Chaque personnage a sa couleur, la mère du narrateur en particulier (excellente Sonia Palau), à la voix d’un ivoire enveloppant, la sœur (piquante Catherine Arditi), à la faconde gourmande, le fils joué par Fabio Marra lui-même, Pierrot lunaire au timbre poétique.

Sous le pinceau de Fabio Marra, on se laisse embarquer pour cette balade du souvenir aux couleurs sépia, trempée des rayons réfractés de la vie passée.

L’art n’est pas une question de vue, il est partout, sur le bout des doigts.