© Daniele Borghello
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Quatre corbeaux sur leur perchoir regardent avec circonspection le monde des humains. Chroniqueurs et critiques croassant un monde qui court à sa perte. En résumé, la planète brûle et nous regardons ailleurs. Par pur cynisme, calcul politique ou déni, aveuglement imbécile. Et ces quatre volatiles d’une intelligence aigüe n’expriment rien de moins qu’une inquiétude devant la perspective d’une nouvelle extinction de l’espèce, la sixième, par les effets ravageurs de l’activité humaine sur l’environnement accusé, voire encouragé, par un climato-scepticisme entretenu jusque dans les plus hautes sphères politiques. Un certain dirigeant américain, sans jamais être pourtant nommé explicitement, en prend d’ailleurs ici un sacré coup dans l’aile. En d’autres termes l’anthropocène, puisque nous y sommes, n’a rien d’une perspective réjouissante… Oiseaux de mauvaises augures ? Pas vraiment. Plutôt de fins observateurs lucides devant la catastrophe irrémédiable qui se profile et dont, charognards, ils ne pourraient que se réjouir… Il y a de la compassion, quand même, pour notre pauvre humanité mais aussi un constat implacable sur notre étrange capacité, à quelques exceptions mais vite réprimées, à ne strictement rien faire, comme tétanisé, alors même que tous les clignotants sont au rouge. Et ces volatiles réfléchis, d’un humour réjouissant et pertinent qui masque à peine la perspective de l’apocalypse à venir, sont d’étranges oiseaux mécaniques conçus par Marta Cuscunà. Marionnettes manipulées à vue, à l’aide d’un simple câble de frein de bicyclette et d’un joystick par Marta Cuscunà elle-même, qui leur prête aussi sa voix. Dialogues incisifs et brillants pour une création d’une rare intelligence, aux références philosophiques, anthropologiques, sociologiques ou scientifiques – Bruno Latour, Lynn Margulis ou encore Donna Haraway pour référence… dont quelques citations ouvrent chaque séquence comme autant de chapitres pour une réflexion de haute volée, aux raisonnement implacables et drolatiques, parfois jusqu’à l’absurde mais d’une vérité toujours confondante et troublante. Notre époque foutraque en mutation affolée est passée au crible jusque dans ses contradictions délétères. On rit de nous voir ainsi croqué avec une férocité jubilatoire mais ces corbeaux-là sont de diables créatures, prophètes rabattant notre caquet, pour qui nous ne sommes qu’une espèce comme toutes les autres, et auxquels on finit par donner une sage humanité par un étrange effet de miroir.
© Daniele Borghello
Corvidae, quand les espèces se regardent, de et par Marta Cuscunà
Conception et réalisation animatronique : Paula Villani
Assistant à la mise en scène : Marco Rogante
Conseils théoriques : Giacomo Raffaelli
Traduction et surtitrage : Federica Martucci
Conception vidéo : Massimo Racozzi
Design graphique : Carlotta Amantini
Costumes : Chiara Venturini
Lumières, son et vidéo : Marco Rogante
Conseils scientifiques : MUSE-Musueo delle Scienze di Trento
Organisation : Laura Marinelli, Roberta Zucchiatti
Diffusion : Jean-François Mathieu
Originellement écrit pour la Fabcrica dei Mundo de Marco Paolini et Telmo Pievani. RAI 3
Du 19 au 21 juin 2025, à 19h
Durée 1h
Théâtre de la Ville – Les Abbesses
31, rue des Abbesses
75018 Paris
Réservations : 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
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