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La Souricière, d’Agatha Christie, mise en scène de Lilo Baur, à la Comédie Française – Théâtre du Vieux-Colombier, Paris

Juin 09, 2025 | Commentaires fermés sur La Souricière, d’Agatha Christie, mise en scène de Lilo Baur, à la Comédie Française – Théâtre du Vieux-Colombier, Paris

© Vincent Pontet

f article de Denis Sanglard

Au manoir de Monskwell, Mollie et Giles Raston attendent leurs premiers pensionnaires. A la radio les actualités annoncent un meurtre commis à Londres. Le suspect porte un chapeau, un manteau sombre, une écharpe claire. Arrivent un à un les hôtes attendus portant chapeaux, manteaux sombres et écharpes claires. Une tempête de neige se lève, isolant l’auberge. Arrive à ski et par miracle l’inspecteur Trotter. Sur la scène londonienne du crime un carnet a été retrouvé avec sur une note griffonnée, l’adresse de l’auberge. Un autre meurtre serait-il ainsi annoncé en ces lieux ? Qui parmi les pensionnaires pourraient être la victime ? Et qui serait l’assassin ? Quels liens entretiennent possiblement les protagonistes entre eux, apparemment inconnus les uns des autres ? Qu’est qui les mêle à cette affaire ? La neige ne cesse pas, l’atmosphère se tend, tous se soupçonnent mutuellement. Un cri, le corps sans vie d’un des pensionnaires est découvert dans le salon. L’inspecteur mène l’enquête.

Grand succès d’Agatha Christie, reine du crime so british, La Souricière (The mousetrap), adaptation de sa propre nouvelle Three blind mice (Trois souris aveugles) n’a depuis sa création en 1952 à Londres jamais quitté l’affiche. Tous les ressorts du genre policier, un humour tout britannique en sus et une résolution originale assurant le succès de cette pièce. Lilo Baur s’empare de ce huis clos avec une certaine jubilation et une volonté de second degré bienvenu. Bruits étranges, portes qui grincent, coupure d’électricité, petite comptine obsédante, congères de neige, un art de la suggestion distillé au compte-gouttes, pour une atmosphère de plus en plus inquiétante et l’impression pour le spectateur de jouer au Cluedo, imaginant toutes les hypothèses devant les indices possibles qui s’accumulent, les fausses pistes qui égarent, les vérités mensongères énoncées, les silences résolument obtus… Avec ça une superbe scénographie (signée Bruno de Lavenère), dans son classicisme anglais sans défaut, un salon qui ne permet aucune intimité, où tous sont toujours à vue, pouvant être surpris ou surgir à tout moment. De quoi être à cran et geler davantage l’atmosphère.

Seulement voilà, Lilo Baur semble être restée au bord d’une folie, d’intentions qu’on lui sait pourtant coutumières, qui éclataient avec Feydeau ou Molière montés ici même au Français. Feydeau dont elle fait référence pourtant. Et c’est bien ce qui manque ici, une folie, un débordement qui aurait porté la pièce au-delà de ce divertissement, fort sage, convenu et par trop littéral dans son traitement, ses qualités – il y en a – qui sont aussi ses défauts. Quelques effets incongrus, louchant franchement sur le cinéma, ou encore le fameux MacGuffin hitchcockien, mais bien trop timides, ou totalement surréalistes, tombent malheureusement à plat par leur pusillanimité même. Lilo Baur semble ne pas oser s’affranchir du modèle original, respectant à la lettre toutes les clauses attendues mais s’en jamais s’en détacher ou les trahir sciemment. Cependant les acteurs, au diapason d’une partition qu’ils portent avec un talent certain et qu’on leur reconnait, jouant volontiers des clichés afférents, cette ambiguïté propre aux personnages d’Agatha Christie, trop parfaits pour être totalement honnêtes, sauvent en quelque sorte la pièce, Sefa Yeboah et Christian Gonon en tête, toujours en porte-à-faux avec elle et leur personnage dont ils dénoncent en quelque sorte et par l’extravagance appuyée de leur jeu, qu’on peut ne pas aimer, les rouages. Et paradoxalement, et c’est là que le bât blesse, accusent l’aimable désuétude de cette pièce qu’on aurait aimé être grandement rafraîchie. On ne passe pas une mauvaise soirée, non, mais pour qui a connu l’ORTF nous voilà revenu, étrange impression devant cette représentation sans aspérité, au bon vieux temps d’Au théâtre ce soir.

 

© Vincent Pontet

 

La Souricière, d’Agatha Christie

Mise en scène de Lilo Baur

Traduction : Serge Bagdassarian et Lilo Baur

Scénographie : Bruno de Lavenère

Costumes : Agnés Falque

Lumières : Laurent Castaingt

Musiques originales et son : Mich Ochowiack

Maquillages et coiffures : Cécile Kretschmar

Assistanat à la mise en scène : Rafael Pardillo et Florimont Plantier

Avec : Clotiilde de Bayser, Christian Gonon, Serge Bagdassarian, Anna Cervinka, Claire de LA Rüe du Can, Jean Chevalier, Sefa Yeboah, Jordan Rezgui

Avec les voix de Laurent Stocker, Pauline Clément et Alba Bouyer-Meuriot, Agnès Falque, Mich Ochowiak

 

Jusqu’au 11 juillet 2025

Du mercredi au samedi à 20h30

Dimanche à 15h

 

Le Vieux-Colombier

21 rue du Vieux-Colombier

75006 Paris

Réservation : www.comedie-francaise.fr

 

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