© Denis Madder
ƒƒ article de Hoël Le Corre
Dès les premières minutes, le projet est posé, « le mot est lancé » : faire une immense chenille avec nous, le public de la salle bien remplie du Théâtre 13. La question, c’est… comment les amener à passer de leur siège de spectateurs à cette danse qui, avouons-le, nécessite un certain lâcher-prise ?… Et aussi, à quel moment du spectacle éclora cette chenille ? C’est à partir de ce sujet qui pourrait sembler anodin que le Collectif La Cabale déploie son implacable folie douce.
Dans un tourbillon jouissif quoiqu’un peu foutraque, ou justement parce qu’un peu foutraque, les neufs comédien.ne.s passent de tableaux en tableaux pour nous faire vivre une succession éruptive de rituels festifs. D’une émission de télé menée tambour battant par un présentateur déjanté, on passe à un repas de famille où le malaise côtoie la bonne humeur, avant de se retrouver face à une bataille d’oreiller.
Avec un rythme effréné et dans un jeu malicieux qui ne cesse de briser le quatrième mur, et qui n’est pas sans nous rappeler l’univers des Chiens de Navarre, La Cabale fait de cette danse collective de la chenille, considérée comme populaire, comme beauf, un prisme de notre relation au regard de l’autre et notre rapport à nous-même. Une façon originale et cocasse de questionner notre rapport au ridicule et à la honte. Mais le collectif va plus loin, quand il décrète que cette idée de chenille géante contient même quelque chose de sociétal : l’un d’entre eux propose ainsi de l’ériger en véritable projet politique. Et effectivement, on se laisse convaincre : cela à bien quelque chose à voir avec le vivre-ensemble, avec la nécessité de remettre de la joie au cœur d’une actualité morose, et d’en finir avec le snobisme intellectuel qui divise nos sociétés.
Si on peut regretter que le propos se noie quelque peu dans une dramaturgie débridée qui aurait sans doute méritée d’être resserrée, cette Kermesse n’en reste pas moins truffée de bonnes idées portées par un humour à toute épreuve. Certaines scènes sont disons-le franchement, irrésistibles, comme cette parodie du Masque et la Plume, ou la chorégraphie de danse contemporaine au son de ce chef-d’œuvre de la Bande à Basile. Irrésistible aussi devient l’envie de se lever, de mettre ses mains sur l’épaule de son voisin et de démarrer, pour de bon, cette fameuse chenille, composée ce soir-là des 175 spectateurs enthousiastes !
© Denis Madder
Kermesse, création et mise en scène par le Collectif La Cabale
Avec : Marine Barbarit, Lola Blanchard, Alix Corre, Margaux Francioli, Akrem Hamdi, Aymeric Haumont, Charles Mathorez, Thomas Rio, Rony Wolff
Lumière : Pacome Boisselier, Francois Leneveu
Régie Lumière : Pacome Boisselier
Régie Son : Vinciane De Mulder ou Nils Glachant Morin (en alternance)
Chorégraphie : Mathilde Krempp
Du 3 au 21 juin 2025
Du lundi au vendredi à 20h, le samedi à 18h
Durée : 1h45
Théâtre 13 / Bibliothèque
30 rue du Chevaleret
75013 Paris
Réservations : 01 45 88 62 22
billetterie@theatre13.com
comment closed