© Xavier Cantat
ƒƒ Article de Sylvie Boursier
« Le beau est-il dans le regard ou dans la chose regardée ? Le goût peut-il s’éduquer » ? Vous avez quatre heures… sauf que là, à l’approche d’Avignon, il ne s’agit pas d’un sujet de philo mais de la « vraie vie », les spectateurs observent des spectateurs, détenus dans une maison d’arrêt et conviés à un atelier d’écriture à partir d’œuvres d’art projetées. La comédienne Céline Caussimon rejoue devant nous les échanges décalés, émouvants, souvent drôles, qu’elle a consigné tout au long de ses deux années comme intervenante en milieu carcéral. On se questionne en même temps que les regardeurs campés par la comédienne. Qu’aurions nous dit et écrit à leur place ? « Si le jaune était un moment de la journée, ce serait à 18h40, quand les portes de chaque chambre se ferment dans un grand fracas de clefs tournées dans les serrures, de crochets du haut enclenchés, puis celui du bas… et le silence. Enfin, le silence ! Celui que j’attends depuis que je me suis levée. Cette certitude que plus personne ne viendra toquer à ma porte. » Nul besoin de connaître Rembrandt pour entrer dans son univers et y voyager, on est bluffé par la sensibilité et l’intensité de regard de ces gens que l’on éviterait peut-être si on les croisait dans la rue. Chacun est capable d’écouter, d’observer, les associations, d’une vérité saisissante, excluent toute artificialité. Céline Caussimon dessine chaque présence sur scène par quelques traits significatifs et s’efface ensuite pour garder la spontanéité des propos. Elle restitue avec délicatesse la fragilité de son expérience, avançant sur un fil ténu, sans position de surplomb, et rend compte par petites touches d’une forme de violence dans laquelle baigne les personnes vivant en prison.
L’art peut-il être un espace de liberté dans cet espace clos ? Entre un atelier ping pong et Rembrandt que choisir ? « Maintenant que je connais l’art, cette cellule est devenue une prison », disait un détenu dans le film des frères Taviani, César doit mourir, témoignant magistralement du pouvoir de l’art dans l’émergence d’un désir. Je n’ai pas lu Foucault, pièce sur la condition humaine, toute en continuité, en simplicité linéaire, rythmée par les entrées et sorties de la prison, évoque la rencontre, par le biais du théâtre, entre « eux » et nous. L’art ne change pas le monde mais peut, l’espace d’un instant, nous aider à faire entendre notre voix.
© Xavier Cantat
Je n’ai pas lu Foucault, texte de Céline Caussimon
Mise en scène : Sophie Gubri
Avec : Céline Caussimon
Création sonore : Michel Winogradoff
Lumières : Camille Dugas
Création vidéo : Tristan Sebenne
Durée 1h
Du 5 au 26 juillet 2025 à 10h
La Factory
45, rue des Teinturiers
83 000 Avignon
Réservations : 09 74 74 64 90
www.la-factory.org
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