© Renato Mangolin
ƒ article de Nicolas Thevenot
Dans l’obscurité, sept présences immobiles, sept corps bientôt enfermés dans autant d’anneaux lumineux. Cadenassés. Corps retenus, contenus, empêchés. Chacun contraint à sa façon. Avant même qu’un mouvement ne s’initie, c’est l’articulation d’une parole qui échoue, réduite à un borborygme, et qui, pourtant, petit à petit, finira par ébrouer les corps des sept interprètes à la façon d’un spasme nerveux. Renato Cruz, chorégraphe brésilien, aborde cette pièce sous le prisme de la sociologie, et organise sa recherche depuis l’observation des pressions subies par les individus dans la société : incitation à être toujours plus productif, plus ambitieux, à se dépasser en passant devant les autres… Les corps sont ainsi isolés au plateau, comme autant d’entités distinctes. Un peu plus tard, être « pris à la gorge » ne sera plus une simple expression mais une réalité.
Si le chorégraphe évoque dans ses notes d’intention la rivière comme métaphore de ces nouveaux flux (Novo Fluxo) capables de recréer de la liaison et de fonder une force collective, sa pièce semble bien plus encore marquée par la philosophie de Gilles Deleuze. Novo Fluxo est ainsi morcelé comme autant de flux coupés (concept deleuzien). La pièce est séquencée de bout en bout, les mouvements sont structurés comme des jets, individuels ou collectifs, soudainement taris. Novo Fluxo évolue sous le régime de la coupure. Progressivement ces trajectoires syncopées et individuées s’articuleront et s’agrégeront dans un ensemble.
On avouera avoir été encombré par la visée programmatique trop appuyée, alourdissant la forme qui peut sembler, par certains aspects, illustrative. Comme c’est souvent le cas quand l’idée précède les corps, les corps se perdent en chemin. Ce qui nous aura par contre intéressés, et même subjugués, c’est la recherche chorégraphique proprement dite de Novo Fluxo lorsqu’elle évolue vers des ritournelles véritablement hypnotiques, jouant de la déclinaison et de la répétition, pareils à des joueurs de football se passant sans fin les uns devant les autres pour shooter via un joli glissé dans un ballon imaginaire. Et plus encore cette virtuosité des danseurs à se mouvoir avec l’agilité de toupies, à transformer avec une incroyable dextérité, à vive allure, leur vitesse cinétique en pirouette, de mixer la verticale à l’horizontale. Le déploiement des talents s’inscrivant dans une belle écoute collective, procurant la sensation rare d’une écriture de corps en train de s’inventer au plateau.
© Renato Mangolin
Novo Fluxo, direction générale, conception et chorégraphie de Renato Cruz
Directeur de répétition : Jefte Francisco
Artistes créatifs : Fabio de Andrade, Jefte Francisco, Josh Antonio, Maju Freitas, Rayan Sarmento, Tamara Catharino, Yuri Braga
Éclairage : Renato Machado et Diego Diener
Musique : Lucas Marcier et Gabriel Amorim
Costumes : Karlla de Luca
Graphiste : Isabela Schubert
Durée : 60 min
Le 13 mai 2025 à 20h30 dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis
Théâtre Public de Montreuil (Salle Casarès)
63 rue Victor-Hugo
93100 Montreuil
Tél : 01 48 70 48 90
https://theatrepublicmontreuil.com/
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