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Dan Då Dan Dog, de Rasmus Lindberg, mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe, au T2G

Mar 14, 2025 | Commentaires fermés sur Dan Då Dan Dog, de Rasmus Lindberg, mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe, au T2G

 


© Xavier Cantat

fff article de Denis Sanglard

 Sale mardi pour Sonny ! Si seulement Papy n’avait pas cassé sa pipe, si seulement sa veuve, Edith, ne s’était pas découvert un cancer foudroyant, si seulement sa petite-fille Amanda s’en foutant n’était pas tombée amoureuse d’Herbert, si seulement Amanda n’avait pas largué illico son fiancé Kenny dont le père, pasteur en pleine crise existentielle, prêt à se défroquer, voire montrer son cul, et qui conséquemment se contrefout de son fils décidé à régler son compte à Herbert, lequel n’était tombé sur Amanda que sur le plus grand des hasards en cherchant son chien Sonny, qui lassé des atermoiements de son maître, qui dit oui, qui dit non, avait décidé de se faire la malle, si seulement ce sale cabot ne s’était pas réfugié dans le cimetière ou Edith méditait, avant d’être dézingué dans le giron d’icelle, victime collatérale de Kenny, ne laissant plus le choix à Edith que de se jeter du pont et de s’envoyer, littéralement, en l’air. Tout ça un mardi, jour de l’enterrement de Papy. Si seulement…

Pauvre humanité ! Où chacun cherche ce qu’il n’a plus, ce qu’il n’a pas, ce qu’il n’aura jamais. Où la médiocrité de vies minuscules d’exploser en plein vol, les cœurs grippés de nouveau s’emballer, les destins de bifurquer, l’avenir de s’ouvrir. Ou pas. Il suffit d’un rien, il suffit d’un chien fugueur pour que paf, tout pète, tout craque. Et que, défiant la gravité, s’envole Edith.

L’univers givré de Rasmus Lindberg, auteur suédois, est totalement désespérant et jubilatoire par sa désespérance même. De nos vies frappées au coin du non-sens, de son absurdité absolue, de nos crises existentielles, de nos solitudes, de notre incapacité à communiquer, de nos peur de l’avenir, de la vie et de la mort, il fait son miel, corsé d’un humour noir et ravageur. Un chien disparait et se révèlent nos fractures intimes. Avec ça une écriture percutante, concise allant à l’essentiel sans fioritures inutiles.

La mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe est un petit bijou de poésie et d’onirisme. On le sait, la nuit est toujours propice aux révélations les plus intimes, inavouables. Sur le plateau la nuit polaire, une lumière entre chien et loup qui se refuse au jour, ombre et protège les personnages en quête d’eux-mêmes. De cet univers en soi grandement loufoque, Pascale Daniel-Lacombe extrait une mélancolie inattendue, cette dépression latente en chacun, propre, veut-on croire, aux pays nordiques. Certes on perd un peu de la raucité réjouissante de Rasmus Lindberg, mais chaque personnage gagne en humanité, en vérité fragile en ses contradictions. Et l’astucieuse scénographie spatialise à merveille l’imbrication du passé, du présent, de l’avenir et des espaces qui trament serrés ce récit. Un défi pour les metteurs en scènes et les scénographes parfaitement gagné ici. A la réalité se substitue ainsi avec fluidité le rêve, les deux n’étant plus vraiment distincts l’un de l’autre. C’est un monde flottant traversé soudain par le chaos, bouleversé par le hasard et l’incertitude. Pourtant nulle gravité ni pesanteur, nulle vaine agitation, mais au contraire une étonnante légéreté, un temps comme dilaté dans cette tragédie-comédie décalée qui se refuse au burlesque pour offrir une réelle profondeur à l’ensemble. Les comédiens, dirigés au plus près, n’en rajoutent pas, sobres, sans outrance, toujours convaincants, ils tissent ensemble une dramaturgie chorale épatante et sensible où chacun trouve en l’autre l’écho de ses propres questionnements et fêlures sans jamais pourtant, brutaux et maladroits dans leur tentatives, réussir à se rejoindre totalement. Et si l’on rit ce n’est pas de quelques gags fort subtils disséminés ici ou là, réservons nous de ne pas dévoiler de quoi Sonny a l’air, c’est irrésistible et surprenant, mais bien de cette humanité de guingois, en déroute, désorientée et tout entière résumée lapidairement à cet antienne :« Si seulement !» …

 

© Xavier Cantat

 

Dan Då Dan Dog, texte de Rasmus Lindberg (éd. Espace 34, adaptation  de Le mardi ou Marty est mort)

Traduction : Marianne Ségol-Samoy et Karinne Serres

Mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe

 

Dramaturgie : Marianne Ségol-Samoy

Assistanat à la mise en scène : Juliet Darremont-Marsaud

Scénographie : Philippe Csaba, Eric Charbeau, Pascal Daniel-Lacombe

Création lumière : Thierry Fratissier assisté de Manon Vergotte

Création sonore : Clément-Marie Mathieu

Création costumes : Béatrice Ferron

Composition musicale : Pascal Gaigne

Soutien chorégraphique : Compagnie Ex-Nihilo / Jean-Antoine Bigot et Anne Le Batard

Fabrication décor : Les ateliers du Théâtre de l’Union / Limoge

Equipe de création accessoires scénographiques : Jérémie Hazael-Massieux, Clément-Marie Mathieu, Annie Onchalo, Laurent Boulé, Laurent Patard, Karlito Boué-Levandowski, Etienne Kimes

 

Avec : Mathilde Viseux, Etienne Bories, Jean-Baptiste Szezot, Benoit Randaxhe, Mathilde Panis, Etienne Kimes, Ludovic Schoendoerffer, Marcel Gbeffa

 

Jusqu’au 17 mars 2025

Lundi, jeudi et vendredi à 20h

Dimanche à 16h

Durée 1h25

 

T2G, Théâtre de Gennevilliers-Centre Dramatique National

41 avenue des Grésillons

92230 Gennevilliers

 

Réservations : 01 41 32 26 26

www.theatredegennevilliers.fr

 

Tournée :

20 et 30 avril 2025 , Théâtre de Lorient CDN

12 et 13 mai 2015, Le Nest Théâtre- CDN de Thionville

 

 

 

 

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