© Sarah Wiit
ƒƒ article de Denis Sanglard
La gau beltza, « nuit des âmes » ou « nuit sombre » dans sa traduction littérale, est une danse basque, un rite plus précisément, pour célébrer les morts, les moissons engrangés et l’hiver, les terres au repos. Célébrer le passage de la lumière à la nuit. Le collectif Bilaka dont les traditions basques, patrimoine immatériel, sont au cœur de leur processus créatif interroge ce rite singulier. Mais loin de l’enfermer dans une démarche folklorique ou ethnologique sclérosée l’ouvre à la modernité. Le mouvement traditionnel est réitéré jusque son épuisement, déconstruit, élargi progressivement, exploré dans ses possibles, dans ses limites, s’ouvre par capillarité à d’autres influences. Sauts, bourrées, rondeaux carnavalesques ne cessent de se métamorphoser… Associés ici à ce processus, deux musiciens accompagnent les quatre danseurs, le duo Adar, jusqu’à se joindre à eux. La musique n’est pas ornementale mais bien complémentaire, en osmose avec ce qui sur le plateau est exécuté jusqu’à la transe. Au son de l’alboka (une cornemuse basque), de la boha (une cornemuse gasconne) de cornes ou de percussions, de sonnailles, se mêlent ainsi, dans une trame serrée, les voix et les corps des six interprètes. Il s’agit au réel d’une véritable rencontre, d’un échange fructueux autour du même questionnement, ouvrir le répertoire à d’autres influences, le décloisonner sans rien perdre de son identité, de son ancrage régional. Sur le plateau, pour qui s’attend à une danse folklorique pure, cela peut dérouter quelque peu. Tout est ici chorégraphié, scénarisé pour une création originale. C’est une cérémonie dont le titre iLaUNA (Lune Ephémère) fait référence au calendrier de ce rite, originellement pratiqué lors de la pleine lune d’octobre. Mais sur le plateau c’est une autre traduction, une interprétation qui ancre fortement la danse dans son rapport étroit et originel avec la nature (la frappe au sol des pieds en est un des fondement, la source d’une énergie tellurique), son évanescence et dans la nuit et ses mystères. La partition musicale, appuyant cela, inclut les éléments naturels, la pluie, l’eau, le vent… Il neige même sur le plateau. Il y a quelque chose de proprement envoûtant dans ce rituel empreint de poésie rugueuse qui vous happe très vite par la formidable énergie déployée. Cette création n’est pas une succession de danses ou la simple démonstration d’un patrimoine mais bien un palimpseste chorégraphique qui réactive une tradition et l’inscrit de fait dans un répertoire résolument contemporain.
© Patricia Conor
iLaUNA, chorégraphie de Arthur Barat, Zibel Damestoy, Ioritz Galerraga, Oilhan Indart
Mise en scène, scénographie : Bilaka Kollektiboa et Adar
Création lumière : Mikel Perez
Composition musicale : Adar
Son : Julien Marques et Oihan Delavigne
Costumes : Xabier Mujika
Régie lumière : Naia Burucoa
Production-diffusion, administration : Camille Belaudé
Crée et interprété par : Arthur Barat, Zibel Damestoy, Ioritz Galerraga, Oilhan Indart
Et les musiciens : Arnaud bibonne, Maider Martineau
Jusqu’au 12 février 2025 à 19h
Salle La Coupole
Théâtre de la Ville-Sarah Bernhard
2 place du Châtelet
75014 Paris
Réservations : 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
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