Un Fauteuil Pour l'Orchestre – Le site de critiques théâtrales parisien » Le radeau de la Méduse, d’Alexandre Delimoges, Comédie Bastille, Paris

À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Le radeau de la Méduse, d’Alexandre Delimoges, Comédie Bastille, Paris

Le radeau de la Méduse, d’Alexandre Delimoges, Comédie Bastille, Paris

Déc 30, 2024 | Commentaires fermés sur Le radeau de la Méduse, d’Alexandre Delimoges, Comédie Bastille, Paris

ƒƒ article de Nathalie Tambutet

Un seule en scène pour cette conférence sur l’œuvre majeure du peintre Théodore Géricault : Le radeau de la Méduse.

Une reproduction agrandie du tableau est suspendue sur la scène. La conférencière, excentrique, fait son entrée et nous interpelle. Elle nous interroge comme à l’école. Nous sommes invités à applaudir quand nous pensons avoir la bonne réponse aux questions qu’elle nous pose. Elle nous sonde sur la date de cette œuvre d’art, sur le régime politique de la France à cette époque, sur le courant artistique dans lequel s’inscrit ce tableau. D’autres questions émailleront la conférence.

C’est le subterfuge choisit à la fois pour nous immerger dans la pièce mais aussi pour permettre à cette conférencière loufoque et autoritaire de donner des éléments historiques sur le tableau et le contexte de sa réalisation.

Nous apprenons ainsi que ce tableau d’environ 5 x 7 mètres est exposé au musée du Louvre. Il a été réalisé en neuf mois et est achevé en 1818. L’artiste n’a alors que 27 ans. Il s’inscrit dans le courant du romantisme, par les jeux d’ombre et de lumière et le réalisme.

La conférencière se pose une question, qu’elle nous soumet : « Où sont les femmes ? ».

Telle une professeure d’art, elle nous dresse les lignes horizontales du tableau pour focaliser notre regard sur le premier puis le second plan ainsi que sur les lignes de couleurs, de la lumière et nous désigne d’où vient le vent à partir de ces lignes. Nous apprenons à lire un tableau. Nous percevons mieux ce qui est représenté grâce à ces explications.

Dans une seconde partie, elle nous raconte la petite histoire sentimentale de Géricault, qui le ramène en France. Le peintre est en quête de sujet pour un tableau. Il est attiré par la mort et se nourrit de faits divers.

La comédienne nous narre avec passion l’histoire de la frégate La Méduse, partie avec trois bateaux récupérer les colonies au Sénégal, et qui fait naufrage. Sur un radeau de fortune s’entassèrent près de 150 naufragés, dont moins de 15 survécurent. Géricault s’est, en effet, inspiré de l’histoire vraie du naufrage de la Méduse en 1816 au large de la Mauritanie. Ce naufrage sera un déshonneur pour la marine française et pour le régime politique de la Restauration en France.

Nous sommes totalement embarqués dans l’histoire sentimentale de Géricault et dans celle de la frégate et de ce radeau grâce au langage contemporain et drôle de la comédienne et son jeu intense avec des allers-retours permanents sur le tableau, nous en révélant les secrets.

Un tableau qui fit scandale parce qu’il représente la mort mais aussi parce qu’il traite d’un fait politique, et dresse une allégorie de la société française, celle du régime politique de la Restauration en France. Il dénonce la royauté et l’esclavage. C’est un tableau emblématique de l’anti-esclavagiste et de l’histoire de l’Art. Un spectacle enrichissant et une autre façon de découvrir l’art, la peinture et l’histoire. Une comédienne envoûtée, passionnée, pleine d’humour.

Alexandre Delimoges a reçu le Prix du Meilleur Auteur au Festival d’Avignon 2018.

Anne Cangelosi a reçu plusieurs Prix dont celui du « Coup de Cœur » de l’Académie Française.

Cette pièce est éligible aux Molières 2025, catégorie Seul.e en scène.