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Le Birgit Kabarett, conception, écriture et mise en scène de Julie Bertin et Jade Herbulot / le Birgit Ensemble, au Théâtre du Fil de l’Eau, Pantin

Déc 09, 2024 | Commentaires fermés sur Le Birgit Kabarett, conception, écriture et mise en scène de Julie Bertin et Jade Herbulot / le Birgit Ensemble, au Théâtre du Fil de l’Eau, Pantin

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Nous avions quitté Le Birgit Kabarett et son 5éme opus au lendemain d’une dissolution impromptue et incompréhensible au commun des mortels, et Jupiter seul savait pourquoi, qui avait surpris tout le monde mais fut à la fois pain béni pour cette équipe et un sacré défi pour revoir leur copie en un temps record vu que ce qui était prévu n’était pas vraiment, dans son contenu, cette péripétie politique. C’est d’ailleurs cette réactivité qui fait le sel et le mantra de cette équipe féminine, accompagnée de deux musiciens et compositeurs, mâles déconstruits et fiers de l’être, menée tambour battant par Jade Herbulot et Julie Bertin. Quatre semaines pour tout concevoir. Et trois jours de répétitions. Une urgence qui donne un résultat audacieux, une fébrilité, une fragilité aussi, propre au cabaret. Décidée à faire le bilan de l’année politique dans ce nouvel opus, voilà que pour mettre du grain à moudre et ajouter leur gros grain de sel, le gouvernement fait pschitt, dissolu par la volonté d’une assemblée nationale rétive aux économies demandées. Hasard du calendrier, peut-être, mais à croire que Le Birgit Kabarett porte la poisse à la politique française où que celle-ci, masochiste, ai décidé de donner un coup de pouce à cet ensemble qui ne se fait pas prier pour l’étriller salement à la paille de fer. Or donc ces sept sur le plateau s’en donnent à cœur joie dans un joyeux chamboule-tout qui passe en revue nos hommes et femmes politiques, qui de l’extrême gauche à l’extrême droite font les frais de ce jeu de massacre aussi caustique que jouissif. On y voit aussi passer Vincent Bolloré et Bernard Arnault, parfaits cyniques, qui d’Emmanuel Macron tout faraud d’être leur copain comme cochon font leur jouet et de l’économie française leur terrain de jeu. Trump et Poutine dominant notre président français de leur morgue et l’impuissance de ce dernier, timoré et incapable d’en placer une, de s’imposer. Mais surtout c’est le feu le gouvernement Barnier qui reste la cible et les flèches lancées sont bien acérées qui font mouche. Michel Barnier retraité jouant au Père Noël, il fallait y penser. Bruno Retailleau, à qui on taille un sinistre costume sur mesure, accompagné de deux illustres inconnus qui pourtant faisaient partie du gouvernement mais plus sûrement de la cohorte réactionnaire qui composait l’équipe gouvernementale, Laurence Garnier (qui ? se dit-on) et Patrick Hetzel (qui donc ? se dit-on), plus connus pour avoir voté contre les mesures pro-avortement et pro-LGBTQIA+ que leur éphémère action dans leur ministère respectif. « Remettre l’église au centre du village » devient un hymne réac aussi hilarant ici qu’inquiétant dans le fond, détaillant par le menu un programme rance, homophobe, raciste et liberticide. Et rien n’est inventé de ce qui est énoncé là. Et dans un souci d’égalité citoyenne, quand même, la gauche et l’écologie en prennent aussi pour son grade. Epinglés Marine Tondelier, Fabien Roussel, François Ruffin, Manuel Bompard, François Hollande… Les dissensions de la gauche font plus pour le cabaret que leur rassemblement erratique. Et n’oublions pas Eric Ciotti à la botte de Marine Le Pen. Et pour finir, la dépouille du grand Charles que chacun, de tous bords de l’échiquier, s’approprie, seul consensus d’une classe politique lamentable et déchiquetée.

Renvoyés dos à dos tous ces politiques qui, avouons-le, ont rudement facilité la tâche du Birgit Kabarett qui n’a eu qu’à tendre l’oreille, faire moisson, pour replacer tout ça, cette outrance journalière et cette caricature permanente, entre opportunisme, mauvaise foi, mensonge et trahison, dans un contexte proprement satirique qui ne fait que grossir, avec un sacré talent et une lucidité aigüe, une vérité pas jolie-jolie et franchement inquiètante. Avec ça un art magistral de la composition pour tirer le portrait de chacun sans concession, le trait certes épais et propre à la caricature, mais d’une implacable et jubilatoire justesse sous le masque grimaçant. Et les dialogues au cordeau, de même les textes des chansons et leurs mélodies, font de ces cabarettistes effrontées les dignes héritières des chansonniers, petites-filles d’Anne-Marie Carrière qui fut pionnière et aujourd’hui oubliée. Il y a quelque chose de salutaire et de réconfortant à entrer dans ce cabaret subversif où la liberté de ton, la liberté tout court, à l’heure où la réaction prend ses aises, où l’avenir louche sur un passé recomposé (le « c’était mieux avant » mais dans ses pires heures réactionnaires), pour entendre et rire ensemble de cette triste parade de pantins politiques mis à nu et passés au laminoir. Mais le rire s’étrangle aussi par le cynisme affiché de ceux-là qui nous gouvernent ou y prétendent, se dégageant de cette comédie du pouvoir au fond plus tragique et inquiètant que burlesque que Le Birgit Kabarett met au jour sans concession, sciemment irrévérencieux, mordant, désopilant même, et avec une heureuse insolence parfaitement assumée.