© Domniki Mitropoulou
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
C’est un conte noir et cruel. Une histoire de viol, de mutilation, de cannibalisme. Et de rédemption, aussi. L’histoire d’un roi aux instincts monstrueux violant sa très jeune belle-sœur et la vengeance atroce qui s’ensuivit. C’est un vieux conte d’Ovide, Procné et Philomèle, tiré des Métamorphoses, adapté librement pour le théâtre avec tout le talent d’auteur de Philippe Minyana et mis en scène de façon singulière par Pantelis Dentakis. Les personnages sont des figurines de cire, sculptures de Kleio Gizeli, pas plus haute que ça, manipulées à vue, délicatement, par les acteurs Polydoros Vogiatzis et Katerina Louvari-Fasoi qui prêtent aussi leur voix, comédiens et conteurs tout à la fois. Posées sur un petit plateau, ces figurines sont agrandies par la vidéo. Et c’est un jeu d’échelle subtile qui est mis en place. Plus grandes ainsi que les acteurs, plus proches aussi de fait des spectateurs, ces sculptures immobiles étrangement prennent vie, suscitent le malaise par leurs visages impassibles et la fixité de leurs regards filmés parfois en gros-plan. Dans lesquels notre imaginaire vite affolé projette alors toute l’horreur de ce qui est énoncé et pourtant jamais montré ou à peine suggéré. C’est toute la force de cette création poétique d’interpeller le spectateur, sans provocation jamais, mais de faire sourdre de lui ses propres angoisses, sa propre cruauté, sa part d’enfance maudite. Rien de réaliste pourtant, le si magique du théâtre est dûment dénoncé, les acteurs content plus qu’ils ne jouent et c’est sans doute cela justement qui participe à la sombre magie de cette création, ce retour à un état d’enfance et de sauvagerie innocente, celui capable de nous faire construire tout un univers monstrueux avec trois fois rien, de jouer à se faire peur pour dernier apprentissage avant de devenir adulte. Pantelis Dentakis réveille ça, cette capacité hors-norme à vouloir frissonner, s’effrayer, à simplement débrider notre imaginaire le plus sombre, faire acte ici de création, d’y prendre notre part en somme. La beauté du texte de Philippe Minyana, dans sa rudesse même qui jamais n’édulcore l’insoutenable, participe évidemment de cet instant singulier, cet univers où quelques figurines de cire semblent d’elles-mêmes décider de la pente du récit, échapper à ceux qui les manipulent, qu’étrangement elles effacent lentement au fil de la fable. Il n’y avait que deux jours pour vivre ce merveilleux cauchemar, dommage, nous ne pouvons qu’espérer qu’il revienne nous hanter très vite.
© Domniki Mitropoulou
La Petite dans la forêt profonde de Philippe Minyana
Libre adaptation des Métamorphoses d’Ovide (livre VI, 411-680 Procné et Philomèle)
Mise en scène Pantelis Dentakis
Traduction : Dimitra Kondylaki
Sculptures : Kleio Gizeli
Vidéo et lumières : Apostolis Koutsianikoulis
Scénographie : Nikos Dentakis
Costumes : Kiki Grammatikopoulou
Musiques : Stavros Gasparatos
En collaboration avec Yorgos Mizithras
Photographie : Domniki Mitropoulou
Surtitres : Supertitle.Gr
Technique : Panagiotis Fourtounis
Communication : Giorgia Zoumpa
Avec Polydoros Vogiatzis et Katerina Louvari-Fasoi
Théâtre de la Ville – Espace Cardin
1 avenue Gabriel
75008 Paris
Réservations 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
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