Critiques // « Le Dernier Numéro » d’Hélène Ventoura au Lucernaire

« Le Dernier Numéro » d’Hélène Ventoura au Lucernaire

Oct 14, 2010 | Aucun commentaire sur « Le Dernier Numéro » d’Hélène Ventoura au Lucernaire

Critique d’Ottavia Locchi

Un Cabaret dans lequel un clown attend des artistes volontaires pour plonger dans l’oubli, c’est la triste trame que nous propose Hélène Ventoura dans son Dernier Numéro. Les artistes sont attendus nombreux afin de jouer un dernier numéro qui se soldera véritablement par leur mort. L’enjeu de leur numéro : laisser au public un souvenir d’eux suffisamment marquant pour ne pas sombrer dans l’oubli (trop vite). Mais ce soir, pas d’artiste. Ou si, un artiste programmé mais déjà mort.

Le clown, face au public, se dégourdit au maximum afin de distraire ceux qui se sont déplacés dans ce cabaret (et pas dans celui d’à côté !). Pitreries, histoires pas forcément drôles, chansonnettes maussades ou paillardes, le clown gigote, sautille, se perd, nous perd, fait rire, disparaît, revient, bref, tout pour ne pas parvenir aux confins du spectacle, ce fameux dernier numéro qui se soldera inévitablement par l’oubli.

© Sylvain Grangon

Vous l’aurez compris, pas d’éblouissements, de numéros impressionnants, pas d’artillerie lourde pour enivrer le public. Juste elle, Hélène Ventoura, avec ses costumes et ses tableaux inspirés du cirque, avec ses instruments de musiques miniatures et ses marionnettes, avec une sensibilité presque apitoyante et un jeu qui essaye de combler le vide de la mort qui plane.

« L’oubli » comme alibi ?

Hélène Ventoura réussit à faire rire tout son public de main de maître. Comment ? Elle seule a la recette ! Le sourire apparaît presque malgré nous et il est difficile voire impossible de ne pas s’esclaffer devant sa maladresse et son talent. Largement inspirée de numéros de cirque, elle passe sans mal d’un gag à l’autre. Numéros chantés, dansés, racontés, déguisés, tout y passe, y compris l’histoire de la princesse à tête coupée ou une danse à trois jambes. Tout cela avec cette touche d’humanité désabusée qui finit par devenir attendrissante.

On pourrait croire que ces scénettes clownesques se veulent drôles ou pire, nécessaires. Pourtant, cette suite sans fin de numéros imbriqués les uns à la suite des autres viennent de nulle part, arrivent et repartent aussi vite. Le clown, mal à l’aise du début à la fin à cause de sa position de « combleur de vide », nous amuse par vagues, laissant une place trop importante à l’ennui. Ne pas se laisser oublier, ne pas se laisser mourir en captant cette attention des spectateurs, en leur laissant à tout prix un souvenir laisse apparaître la maigreur du fil sur lequel Hélène Ventoura fait tenir son spectacle, malgré la qualité et la justesse des numéros.

Hélène Ventoura signe un spectacle grinçant, qui dépeint une sorte d’humanité misérable entre deux éclats de rire qui ne peut laisser personne de marbre, sinon elle-même.

Le Dernier Numéro
De : Hélène Ventoura
Mise en scène : Hélène Ventoura
Avec : Hélène Ventoura
Musique : Philippe Onfray
Costumes : Claire Granjon
Lumières : Antoine Chérix

Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs, 75 006 Paris
www.lucernaire.fr

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