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L’avare de Molière, mise en scène de Daniel Benoin, Théâtre des Variétés

Avr 01, 2022 | Commentaires fermés sur L’avare de Molière, mise en scène de Daniel Benoin, Théâtre des Variétés

 

© Philip Ducape

 

ƒƒ article de Corinne François-Denève

« J’étais seul, l’autre soir, au Théâtre Français/Ou presque seul ; l’auteur n’avait pas grand succès/Ce n’était que Molière ». Musset, à quelques siècles de nous, pouvait bien déplorer sa « soirée perdue » ; aujourd’hui, Molière fait recette. 400ème anniversaire oblige, nombre de ses pièces sont montées à nouveau, à la Comédie-Française ou ailleurs.

Pourquoi remonter des « classiques » ? Comment faire du théâtre dit « populaire » mais/et de qualité ? Le petit bijou qu’est le Théâtre des variétés s’y prête sans doute idéalement. Tandis que l’on s’installe, la salle bruisse. « Oh c’est beau ! Tu as vu ? Les dorures ? Le lustre ! C’est magnifique ! Je peux prendre une photo tu crois ? Ils ont dit qu’il ne fallait pas prendre de photos… Ah pendant le spectacle ? Ah oui ça les gêne quand ils travaillent c’est normal. Tu mets en mode avion toi ? Moi je mets en vibreur personne ne m’appellera j’ai dit que j’allais au théâtre. Tu as vu, il y avait marqué « Jean-Paul Belmondo » à l’entrée. Il a sûrement joué ici. Ah il possédait la salle ? Oh là ! Ah oui. Ah les fauteuils c’est trop bien. Non, je ne sais pas ce que c’est. Il y a Michel Boujenah ! » (Qu’on ne voie ici aucune condescendance, je fus ce public, avant de maîtriser à mon tour la courbure discrète mais non naturelle du poignet, quand il s’agit de déposer les pièces dans la main tendue, tout aussi discrète et étrangement courbée, de l’ouvreuse payée au pourboire, mystère de la cérémonie théâtrale). C’est donc Michel Boujenah – après Vilar, Serrault, Bouquet, de Funès, et tant d’autres, et c’est donc L’Avare de Molière.

La scénographie est dès l’abord impressionnante. Un grand plateau au ciel troué : la demeure d’Harpagon tombe en ruine, et n’a même plus de toit. Le fond de scène est garni de deux immenses portes qui s’ouvrent et se ferment sur un dehors neigeux, celui de la liberté, ou de l’ordre. A cour, d’immenses volets fermés, qui laissent passer avec peine le jour. A jardin, une sorte de verrière, seul endroit chaud du plateau, où vont se réfugier les cœurs froids, et où se tiennent diverses disputes, étouffées par le dispositif. Daniel Benoin coupe la pièce en séquences cinématographiques, la rendant très lisible. Telle musique suggère un ton, telle lumière une émotion. Il va chercher vers le cinéma de genre, en particulier le fantastique pour rendre tangible la « manie » d’un homme aussi malade que ridicule. Pour ces jeunes premiers, souvent tragiquement fades chez Molière, il a choisi de jeunes comédiens et comédiennes à la beauté radieuse, fringants et vifs, qu’il dirige de façon très sûre, leur imposant un jeu charnel et burlesque. Le reste de la distribution est à l’avenant, avec en particulier une Sophie Gourdin exaltante, « femme d’intrigues » farcesque et inquiétante à souhait.

Populaire, cet Avare l’est indéniablement : on y rit et tremble comme il se doit. Il est aussi extrêmement intelligent avec, ça et là, des ruptures de ton subtiles, l’effraction d’Amphitryon ou de Montfleury et du théâtre de foire dans une comédie très efficace.

Harpagon est donc Michel Boujenah, qui tient à bout de bras la pièce, pendant près de 2 h 15. Véritable partenaire, il charrie toute la puissance comique de la pièce en renvoyant excellemment la réplique à ses pairs. Il prête son corps de noble histrion à son personnage. Arlequin fatigué qu’on habille de blanc, prêt à se recoucher dans sa tombe, avec un dernier salut de la main, seul amoureux d’une cassette ingrate et volage ; mais prêt aussi à revenir d’entre les morts pour les derniers saluts. Il y a du Totò, du Fellini dans cet Avare-là. Ou un goût de Jacques Charron, un vrai théâtre français populaire qui aurait plu et à Musset et à Margot.

 

© Philip Ducape

 

L’Avare, de Molière

Mise en scène Daniel Benoin

Décors : Jean-Pierre Laporte

Costumes : Nathalie Bérard-Benoin

Lumières : Daniel Benoin

Vidéo : Paulo Correia

Assistante mise en scène : Kelly Rolfo

Assistante costumes : Sophie Visentin

Avec : Michel Boujenah dans le rôle d’Harpagon, Sophie Gourdin dans le rôle de Frosine, Bruno Andrieux dans le rôle de La Flèche/Anselme, Mélissa Prat dans le rôle de Elise, Mathieu Métral dans le rôle de Valère, Fanny Valette dans le rôle de Mariane, Antonin Chalon dans le rôle de Cléante, Paul Chariéras dans le rôle de Maître Jacques, Fabien Houssaye dans le rôle de Le Commissaire / Brindavoine, Julien Nacache dans le rôle de La merluche

 

Durée : 2 h 15

Du mercredi au samedi à 20 h 30 et le dimanche à 17 h

 

 

Théâtre des Variétés

7 Boulevard Montmartre

75002 Paris

 

T+01 42 33 09 92

www.theatre-des-varietes.fr

 

 

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