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Toranda Moore, texte et mise en scène de Pierre Giafferi, aux Plateaux Sauvages, Paris

Fév 14, 2022 | Commentaires fermés sur Toranda Moore, texte et mise en scène de Pierre Giafferi, aux Plateaux Sauvages, Paris

 

© Pauline Le Goff

 

ƒƒ article de Nicolas Thevenot

Toranda Moore, torrent d’amour of course. Pierre Giafferi pratique avec gourmandise l’art du bonneteau. Non pas qu’il soit un escroc, et que nous en soyons les dupes, mais il possède cette agilité propre à se déplacer toujours à l’endroit inattendu, à rebondir entre les codes qu’ils citent, à déjouer les cartes. Hey, what did you expect ?

Le cinéma d’abord, le cinéma arty, indépendant, avec Daredog, cinéaste culte, peut-être double de l’auteur, auto-produisant un film sans scénario, autour du fantôme de Toranda Moore, fantôme d’un amour perdu. Daredog, lunettes noires, long manteau tombant sur des jambes nues pour cause de bermuda, casquette noire. Massif comme Orson Welles, elliptique et bizarre comme un Godard. Cela fait beaucoup pour un seul homme, mais il faut reconnaître que Léon Cunha da Costa embrasse cette palette avec un vrai bonheur, dans un mélange d’incarnation et de distanciation qui rend cette proposition tout à fait heureuse. Sans que jamais l’on ne puisse dénouer ce qui ressortirait de l’art ou du cochon.

Le cinéma toujours, avec une pièce de théâtre qui serait la mise en scène d’un film en train de se préparer et de se faire. Daredog, et ses acteurs hauts en couleur, entre la comédienne junkie alcoolo casté sauvagement aux abords de Stalingrad (Juliette Savary), l’acteur au bord de la crise de nerf du cours Florent promo Pierre Niney qui n’a jamais percé (Johann Cuny), et enfin celui qui au contraire a percé par ses interprétations d’actor studio plus vraies que nature (Baptiste Drouillac). Il y du Truffaut façon Nuit américaine dans tout cela. Mais finalement, avec le freaks show qui prend assez vite la place du film d’auteur genre Le camion de Duras, on se retrouve dans un acting et un texte qui aurait plus à voir avec le Père Noël est une ordure. C’est le côté queer de la proposition, impure par rapport aux catégories en vigueur : grand écart au risque de l’élongation ou de la déchirure tant ces deux pôles semblent a priori inconciliables. C’est probablement ce qui remue le plus les formes en présence et les fait travailler. Et nous fait travailler avec plaisir et intérêt. Il m’a semblé toutefois que le jeu d’acteur, extrêmement incarné et composé, produisant des figures au bord de l’éclatement, pourrait gagner à se simplifier, car cette surenchère dans la performance et l’énergie du jeu tend probablement à réduire les effets comiques du texte et des situations.

Le cinéma enfin, comme une lettre d’amour, comme le panthéon des passions amoureuses et de leurs héroïnes disparues, comme le lieu où ce qui a été aimé et perdu peut être retrouvé. Le cinéma de Claude Sautet par exemple, la chanson bouleversante d’Hélène en particulier dans Les choses de la vie. Peut-être que Toranda Moore vise aussi à cela : pleurer au milieu d’un fou rire la perte d’un certain cinéma populaire.

 

 ©Pauline Le Goff

 

Toranda Moore : texte, mise en scène et scénographie Pierre Giafferi

Régie et création sonore Baudouin Rencurel

Avec Léon Cunha Da Costa, Johann Cuny, Baptiste Drouillac, Hélène Rencurel et Juliette Savary

 

 

Durée 1 h 50

Du 7 au 19 février 2022

Lundi-vendredi À 19 h / samedi à 16 h

 

Les Plateaux Sauvages 

5 rue des Plâtrières

75020 Paris

Tél. : 01 83 75 55 70

www.lesplateauxsauvages.fr

 

 

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