Critique d’Evariste Lago –

Rêves d’embryon

C’est l’histoire d’un rêve. Celui d’un grand auteur, Fabrice Melquiot et d’un metteur en scène talentueux, Emmanuel Demarcy-Mota. C’est une histoire pour enfants mais que les adultes comprendront.

© Jean-Louis Fernandez

C’est l’histoire d’un embryon ne sachant pas encore qu’il est garçon et qu’il s’appellera Bouli dans neuf mois. Tout commence avec Pilou Rotondo et Angeline Binocla, les futurs parents de Bouli, qui découvrent la bonne nouvelle. Il faut immortaliser ce bel instant. Pilou s’aperçoit à trente ans qu’il peut tout immortaliser et ne s’en prive pas. Angeline préfère écouter Julien Clerc. Les futurs « Daddi » et « Mama » de Bouli sont heureux. Mama est folle de joie d’annoncer à qui veut l’entendre qu’elle est enceinte, même à la démente voisine « Berthe la folle », qui paraît être une brave dame, puis une drôle de dame et enfin… une folle qui possède un rhinocéros. Günther, le rhinocéros en question, plus vrai que nature (chapeau bas à l’accessoiriste Clémentine Aguettant), s’avère être un peu bourru mais bon accoucheur. Marie-Jeanne Clark, sœur de miss Binocla, accompagnée des célébrissimes Jean-Michel Clark, son mari et Petula Clark, sa fille de deux ans, viennent visiter la famille Rotondo. Tout ce beau monde s’active et se démène. Seul l’embryon Bouli se questionne dans le ventre de sa mère. Il parle à ses parents et surtout à sa cousine Petula qui devient son amoureuse. Tout fini à sa naissance. Bouli année zéro est donc, comme l’a initié la trilogie Star wars, la genèse de Wanted Petula, pièce montée aux abbesses en 2009. C’est un retour aux sources de la création théâtrale.

© Jean-Louis Fernandez

Rêve de communion

Bouli année zéro, pièce de Fabrice Melquiot, associé à Emmanuel Demarcy-Mota, également metteur en scène, revient aux sources, à l’enfance. Melquiot, dont les plus belles pièces résonnent encore des bruits de la fureur humaine et de la guerre (Kids, Le diable en partage, …), porte un regard vrai sur l’enfance, cette période qu’il décrit toujours si bien et que l’on souhaite réveiller au fur et à mesure qu’elle s’éloigne. Pourquoi ? Peut-être parce que c’est la période de la vraie vie, une vie d’ivresse.

Cette sensation nous est donnée à nouveau au travers d’une mise en scène féérique. Une jungle, un appartement, un ventre, une voiture, les eaux, un embryon danseur et philosophe… tout est là, si proche à la vue et si loin dans nos souvenirs d’adultes. Des images de bandes dessinées, de dessins animés, nos rêves d’enfants… voilà ce qu’on retrouve ici. Les comédiens semblent tout droit sortis de mangas japonais, les trucs et astuces sont orchestrés de main de maître et les comédiens… « s’éclatent » comme diraient les jeunes. Chapeau bas à Jauris Casanova, le Günter-rhinocéros-pas-si-féroce, à la gestuelle millimétrée et animale. Une heure quinze où les adultes redeviendront des humains aux regards d’enfants et où les enfants engrangeront des images pour les jours où ils seront plus vieux… La communion entre jeunes et moins jeunes. C’est si rare que c’en est beau.

Bouli année zéro
De : Fabrice Melquiot
Mise en scène : Emmanuel Demarcy-Mota
Avec : Pierre Niney, Gérald Maillet, Sandra Faure, Céline Carrère, Charles-Roger Bour, Ana Das Chagas, Sarrah Karbasnikoff et Jauris Casanova
Assistants à la mise-en-scène : Christophe Lemaire, et Stéphane Krähenbühl
Scénographie et lumières : Yves Collet
Musique : Jefferson Lembeye
Costumes : Corinne Baudelot
Accessoires : Clémentine Aguettant
Maquillage : Catherine Nicolas
Collaboration lumières : Nicolas Bats
Assistant scénographie : Franck Lagaroje
Conseil chorégraphique aérienne : Claude Saint-Dizier
Construction décor : Jipanco

Du 30 septembre au 15 octobre 2010
Théâtre des Abbesses
31, rue des Abbesses, Paris 18e
M° Abbesses — Réservations 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

Reprise du 5 au 8 janvier 2012
104 / Centquatre
5 rue Curial, Paris 19e
M° Riquet, Crimée — Réservations 01 53 35 50 00
www.104.fr

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