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Bachelard Quartet, écrit par Pierre Meunier, Marguerite Bordat, Noémi Boutin, Jeanne Bleuse. Mis en scène de Pierre Meunier et Marguerite Bordat, Nouveau Théâtre de Montreuil

Jan 25, 2022 | Commentaires fermés sur Bachelard Quartet, écrit par Pierre Meunier, Marguerite Bordat, Noémi Boutin, Jeanne Bleuse. Mis en scène de Pierre Meunier et Marguerite Bordat, Nouveau Théâtre de Montreuil

 

© Pascale Cholette

 

ƒ article de JB Corteggiani

Chez les étudiants de lettres et de philosophie, à la toute fin du deuxième millénaire, Gaston Bachelard avait la grosse cote. Il y avait les Grands Maîtres sévères, Freud ou Marx. Et puis il y avait Bachelard, ce déambuleur débonnaire, cet explorateur de l’imaginaire poétique qui invitait à la rêverie en compagnie de Novalis ou Nietzsche, du gnome et de la salamandre, de Hölderlin ou Poë, de l’ondine et de la sylphide. On pouvait convoquer Bachelard pour faire rosir les filles : le « dieu frottement » ne produit-il pas le feu autant que l’amour ? On pouvait aussi le citer pour taquiner ses amis trotskystes : « Enlevez les rêves, vous détruisez l’ouvrier. » Décidément, ce Bachelard était un type bien.

C’est donc presque un ami qu’on va retrouver au théâtre de Montreuil, pour la création de Bachelard Quartet. Et, ça commence bien, le dispositif trifrontal est amical, intime : les spectateurs sont groupés en U autour de Pierre Meunier, dans le rôle du diseur-conteur, de la pianiste Jeanne Bleuse et de la violoncelliste Noémie Boutin – chacune sur un plateau tournant.

Commence la « rêverie » promise par le programme, avec l’évocation d’un enfant qui penché sur un buvard « assèche la Mer Rouge », avec de petits étonnements cratyliens : « Quartz, granite… les mots des substances rocheuses sont durs ! » Il s’agit de « donner aux objets familiers l’amitié qu’ils méritent ». Le metteur en scène Pierre Meunier active sa petite machinerie bricoleuse, dans la lignée des ses précédents spectacles : un bouquet de miroirs brisés fait danser sur les murs des disques lumineux ; un coup de baguette sur le chapeau métallique d’une lampe, écoutez la cloche. Noémie Boutin racle son archet, fait de la musique concrète. Jeanne Bleuse plonge les mains dans la carcasse de son piano grand ouvert et en tracasse les cordes. On se laisse partir. Bachelard dirait : « on se perd dans les choses, on se fait boire par quelque chose ».

Cela se gâte un peu quand les deux (excellentes) solistes sont interrompues, deux fois de suite, par une coupure de courant. Le conteur a relevé le disjoncteur. Eh oui, c’est qu’il est temps de passer au chapitre « feu ». Electricité, feu, vous comprenez ? Le spectacle se charge soudain de lourdeur didactique. Cela se gâte un peu plus quand Pierre Meunier veut faire reprendre au public une question « Où est le feu ? » et sa réponse « Il n’y a pas de feu ». On est deux fois gêné, par l’interpellation intempestive et par la tiède réponse des spectateurs. Va-t-on encore nous demander de frapper dans nos mains ? L’intention de convivialité est louable (un verre sera offert à la fin du spectacle), mais qu’elle est maladroite… Le charme est rompu.

A partir de là, il y a aura encore quelques bons moments. Une très belle interprétation de La danse du feu, de Manuel de Falla. Une variation drôle sur les vertus expressives comparées du hélas français et du ach allemand. L’étonnante histoire de cet homme qui en 1505 se jeta d’un sommet muni d’un harnachement de plumes, se rompit les membres, comprit mais un peu tard que s’il avait échoué à voler, c’est que dans sa voilure, il y avait des plumes de coq – or un coq, c’est bien connu, ne décolle pas de sa basse-cour. D’autres illustrations encore de ces intuitions pré-scientifiques qui, si elles sont fausses, ont une force de poésie (et de cocasserie) peu commune. Borges écrivait souvent : « Je préfère penser que… »

Tout cela est déroulé, comme les chapitres d’un livre, plus que porté, propulsé. Reste une introduction pas déplaisante au volet littéraire de l’œuvre de Bachelard.

 

© Pascale Cholette

 

Bachelard Quartet, écrit par Jeanne Bleuse, Noémi Boutin, Pierre Meunier, Marguerite Bordat

Mise en scène : Marguerite Bordat et Pierre Meunier

Lumières : Hervé Frichet

Avec Jeanne Bleuse, Noémi Boutin, Pierre Meunier en compagnie de feu Frédéric Kunze

Rêverie sur les éléments à partir de l’œuvre textuelle de Gaston Bachelard

Textes additionnels : Pierre Meunier

Conception sonore : Géraldine Foucault

Commande musicale : Eve Risser

Conception lumière : Hervé Frichet

Construction, régie : Florian Meneret

Collaboration aux costumes : Camille Lamy

 

 

Du 20 au 27 janvier 2022

Mardi, mercredi, jeudi, vendredi à 20 h, samedi à 18 h, dimanche à 17 h, relâche lundi.

Durée : 2 heures

 

 

Nouveau théâtre de Montreuil

10 place Jean-Jaurès, 93100 Montreuil

Réservations au 01 48 70 48 90

www.nouveau-theatre-montreuil.com

 

 

Puis en tournée :

10 au 11 mars 2022 Les Quinconces – scène nationale du Mans

28 au 30 avril 2022 Le Théâtre d’Orléans – Scène Nationale

17 au 20 mai 2022 Théâtre de Lorient – CDN

31 mai au 03 juin 2022 Comédie de Saint-Étienne

 

 

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