© Estelle Hanania
ƒƒ article de Hoël
Partition vocale et corporelle envoûtante autant que déroutante, L’Etang nous plonge dans les eaux troubles d’une tragédie familiale, aux confins de l’inceste, du mal-être adolescent, du fantasme et du mensonge. On se retrouve aux prises avec ce fils qui tente de capter la bienveillance maternelle en simulant un suicide. La chorégraphe et plasticienne Gisèle Vienne nous embarque une fois de plus dans son univers poignant et symbolique où la cruauté du réel se heurte à une esthétique épurée.
Le spectacle s’ouvre sur cette grande boîte blanche, où apparaît une chambre d’adolescent : bonbons, canettes, draps jonchant le sol. Une dizaine de mannequins-marionnettes sont disposés tout autour du lit, présences amicales tout autant qu’inquiétantes. S’ensuit un morceau de techno, à plein volume, qui décale notre âme de spectateur : nous n’assisteront pas à un dialogue réaliste entre les personnages qui vont entrer en scène, une mère et son fils. Non, pas de réalisme, chacune des deux comédiennes endosseront plusieurs rôles : le père et la mère pour Ruth Vega Fernandez et des jeunes de la fratrie et du cercle amical pour Adèle Haenel.
Au long de la pièce, ces deux comédiennes évoluent dans cet espace quasiment vide, dans un rythme lancinant, déboussolant. L’une apparaît androgyne, longiligne, et l’autre dessine une silhouette aux formes féminines. Elles sont comme suspendues, dans un espace-temps mental où les émotions intérieures transpercent la barrière des codes sociaux, mettant les corps à la merci des sentiments. Les déplacements ne se font que lentement, mais puissamment, comme si tout l’air environnant était fortement impacté par la violence des émotions. La tension des corps n’a d’égale que celle qui existe dans les relations entre les divers personnages.
Dans cette véritable performance d’actrices – Adèle Haenel est tout simplement hypnotisante dans son interprétation subtile et au cordeau – on regrettera toutefois un certain hermétisme du décor dont l’ambiance lumineuse et sonore met parfois mal à l’aise et nous laisse sur le côté. Et on se retrouve à avoir parfois du mal à suivre totalement le propos. Mais peut-être est-ce à dessein, pour évoquer les affres de cette sinistre fable ?
L’Etang, de Gisèle Vienne
Texte de Robert Walser
Avec Adèle Haenel et Ruth Vega Fernandez
Festival d’Automne à Paris & le Théâtre Paris-Villette
Du 8 au 18 septembre 2021
211, avenue Jean Jaurès
75019 Paris
T+ 01 40 03 75 75
www.lavillette.com
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