© Marc Domage
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Une maison comme une communauté… Lieu de rassemblement, de solitude, de passage. Maison hantée par les fantômes du passé et ceux à venir… Mais avant ça il faut patiemment la bâtir, en premier lieu en dessiner dans l’obscurité les contours, quelques esquisses crayonnées en solitaire avant de poser les premières pierres. Puis faire de cette abstraction, de ces quelques idées récurrentes, de ses lignes tracées, des murs et une charpente et l’habiter enfin, accueillir… D’abord il y a cette homme masqué qui mesure, défini de son corps l’espace arpenté. Peu à peu entrent d’autres danseurs. Solo, duo, trio qui s’ébauchent, s’agrègent, se dupliquent, s’évanouissent. Mathématique abstraite, étranges poses, vocabulaire géométrique patiemment décliné, suspension soudaine du mouvement, chute. Rizzo décline Rizzo, abécédaire singulier que l’on reconnaît d’emblée. Les mains parfois s’effleurent, accompagnent, protègent, des corps se cherchent et s’étreignent, se rejettent… il faut être patient s’accrocher durant cette première partie énigmatique, sans vraiment de chaleur, à la limite de l’ennui. Parce que le meilleur n’arrive que dans la dernière demi-heure. Sous cette toiture de néon, comme un graphe d’architecte, qui semble marquer le tempo de sa variante luminescence, influer sur l’humeur des danseurs, leurs états d’âme, dessiner sur le sol d’immenses tesselles comme autant d’espace, de fragments à occuper, sur cette musique techno électro pop lancinante revisitée somptueusement, qui graille, grince, ondoie, nappe le plateau Christian Rizzo chorégraphie une cérémonie ébouriffante et qui vous bouleverse sans crier gare, vous arrache une émotion brute inattendue. Passant du noir et blanc à la couleur, la danse devient transe collective, réunit ce qui était épars, en réminiscence de farandoles carnavalesques échappées d’une messe de fou. Chapeautés de bonnets pointus, vestiaire récurrent chez Rizzo, de chemises bariolées, masqués pour carême-prenant, la danse devient festive, folklorique. On s’en échappe pour y revenir, toujours. Avec en long préambule cette séquence foudroyante ouvrant cette seconde partie où par pelletés entières, éclaboussant les danseurs, poudrant l’espace et la salle, de la terre ocre est projetée à la volée, on songe à Pina Baush, recouvrant bientôt l’espace du plateau. Et sur cette terre étale et foulée, la danse devient subitement concrète, terriblement tellurique comme un appel à faire surgir les morts. On sait combien la danse de Christian Rizzo convoque l’absence et les fantômes, se refuse à la disparition. La danse devient un vecteur de partage entre deux mondes, l’un voué à disparaître, l’autre disparu. Christian Rizzo noue ainsi ici plusieurs liens finement tressés, entre danse d’auteurs et danses traditionnelle, pratiques individuelles et collective, festive et chamanique. Et nous ne sommes pas plus étonnés que ça de voir surgir celui qui hante depuis longtemps la danse de Christian Rizzo, ce fantôme familier, attendu et convié, silencieux, servant spectrale et bienveillant de cet univers singulier.
© Marc Domage
Une maison chorégraphie, scénographie, costumes, objets lumineux Christian Rizzo
Lumières Caty Olive
Médias, régie son et led mapping Jéronimo Roé
Musique Pénélope Michel & Nicolas Devos (Cercueil / Puce Moment)
Costumes Laurence Alquier
Assistante artistique Sophie Laly
Assistant Scénographie, programmation multimédia Yragaël Gervais
Direction technique et coordination régie scène Thierry Cabrera
Régie lumière Yannick Delval
Régie Plateau Shani Breton
Avec Youness Aboulakoul, Jamil Attar, Lluis Ayet, Johan Bichot , Léonor Clary, Miguel Garcia Llorens, Pep garrigues, Julie Guibert, Ariane Guitton, Hanna Hedman, David Le Borgne, maya Masse, Rodolphe Toupin, Vania Vaneau
Du 27 au 29 février 2020
Théâtre National de Chaillot
1 place du Trocadéro
75116 Paris
Réservations 01 53 65 30 00
billeterie@theâtre-chaillot.fr
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