© Charlotte Gonzalez
ƒƒƒ article de Nicolas Brizault
Comment dire… Un spectacle, ou plutôt une suite de cris, d’images, de mots forçant à ouvrir les yeux, à reconnaître, soutenir, admettre. Métamorphoses débute sur une immense scène presque nue, ici table rectangulaire, en bois, forte et quasi menaçante, allez savoir pourquoi. Et là un ou deux fauteuils. Très peu d’éléments, pas besoin, tout sera évident, terrible et vrai.
Métamorphoses est issu de récits de l’immense texte d’Ovide, illustrant tous les combats entre dieux, déesses, nymphes ou bergers. Les Métamorphoses ont depuis immensément inspiré d’autres poètes, peintres, metteurs en scènes et cinéastes. Le titre nous fait tout de suite imaginer de joli trumeaux XVIIIe siècle dans un hôtel particulier parisien. Non. Métamorphoses au théâtre de la Tempête, expose à la suite les unes des autres, ensembles, mêlées, Io, changée en génisse, Écho ne pouvant plus dire « je » et condamnée à répéter les dernières paroles de Narcisse, l’homme qu’elle aime, Daphné transformée en laurier pour fuir Apollon, les sœurs Procné et Philomène, devenant hirondelle et rossignol pour échapper à Térée, Arachnée trop douée en tapisserie et Méduse trop belle. Des femmes. Luca Giacomoni ayant déjà beaucoup travaillé sur l’Iliade, quitte Homère pour Ovide, se sert de ces poèmes pour en sortir la violence, le crime, et montrer combien ces « poèmes » sont quotidiens.
Luca Giacomoni a en effet débuté son travail en Seine Saint-Denis, avec des femmes violées, battues, dont certaines seront sur scènes. Elles disent, montres, crient. Le rose et le vert pomme sont effacés. Plutôt du noir et du rouge sang. La vérité. Le juste côté des événements. La violence. La douleur. La destruction. L’absence de main tendue, d’aide. Les femmes enfermées, invisibles. Tout est rêche, cogne, bat. Tout est évidence. Plus ce spectacle avance plus les yeux sont ouverts. Une femme transformée en araignée, araignée dehors, femme dedans. Une femme transformée en laurier, laurier dehors, femme dedans. Ou alors reste une femme dehors, sois battue dedans, tais-toi, ne montre rien. Sens, ressens, hurle, d’accord, mais seule, fais-en sorte que nous n’entendions rien. Du rose, du vert pomme. Pas de noir, pas de rouge sang. Les Métamorphoses sont une excellente idée, une voie parfaite. Regardez ! Regardez !
À la dernière image, à la fin, après, un silence très court montre combien nous sommes très souvent à côté du réel, combien très souvent nous fermons les yeux, combien très souvent les hommes l’emportent sur les femmes, combien très souvent c’est tout à fait normal. L’antique imaginaire n’a rien d’un conte amusant. L’antique imaginaire n’a rien d’antique.
© Charlotte Gonzalez
Métamorphoses, d’après Ovide,
Adaptation et dramaturgie Sarah di Bella
Mise en scène Luca Giacomoni
Avec Diariatou Basse, Léna Dangreaux, Laëtitia Eïdo, Clémence Josseau, Hadassah Njengue, Sylvie Togba
Chant Eugénie De Mey, Claire Trouilloud (en alternance)
Assistante à la mise en scène Giuseppina Comito
Collaboration artistique Nadine Naous, Violaine Lochu
Du 16 janvier au 14 février 2020, Salle Serreau
Du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 16 h
Durée estimée 1 h 30
Rencontre avec l’équipe dimanche 19 janvier après la représentation
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Route du Champ-de-Manœuvre
75012 Paris
Réservations : 01 43 28 36 36
www.la-tempete.fr
Accès :
métro ligne 1 jusqu’au terminus
Château de Vincennes (sortie 6) puis bus 112 ou navette Cartoucherie
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