© Helge Hansen
ƒƒ article de Denis Sanglard
En un souffle tenter d’offrir, d’approcher l’origine de la danse, son évolution jusqu’au XIIe et XIIIe siècle. Et au-delà. Faire du corps un instrument total, au service du collectif. Danse, chant et percussion en un seul geste. Une cérémonie où le barbare le dispute au raffinement dans un même élan. Voilà l’utopie de François Chaignaud, chorégraphe protéiforme. Des coffrets s’ouvrent et lentement surgissent de la pénombre de ces boîtes des silhouettes sculptées de laines rudes et crues. Entre chien et loup on devine plus qu’on ne voit. Mais avant la révélation de ces corps, des voix s’élèvent et chantent a capella. Au chant polyphonique médiéval, au chœur sophistiqué, succède bientôt le grondement sonore des pieds martelant le sol obstinément, rythme primaire d’une cérémonie barbare. Les corps désunis et déliés jusqu’à présent, reliés par la voix seule, se ramassent, se tassent et se rassemblent pour un étrange rituel, cultuel ou chamanique, une transe maîtrisée étrangement douce et trompeuse malgré la frappe sèche des pieds qui heurtent le sol. Ainsi naquit la danse. Changement de costumes, des collants chairs pailletés, anatomiques, comme un changement d’époque où le corps soudain triomphe, mais rien ne change vraiment, François Chaignaud reprend, en miroir, cette oscillation d’un corpus à l’autre. On espère un déchaînement… qui ne vient pas. Un rythme soudain brusqué, accéléré qui se cabrerait. Mais on reste, impatient, sur sa faim. Puis viennent les floralies, réminiscence lointaine des jeux floraux romains, où les danseurs métamorphosés en fleurs, harnachés de corolles et pétales, de branches et de feuilles, défilent et composent un tableau printanier vivant d’une grande poésie. C’est, référence affirmée, le Printemps de Botticelli en diorama. Mais la danse, vite épuisée dans son recommencement même, le souffle, lui, est retombé bien avant. François Chaignaud multiplie dans Soufflette les références. Revient à ses propres sources et marottes. Picturales dans les pauses où le geste et le corps signifiants et marqués, loin de tout académisme chorégraphique, rejoignent également l’histoire de la danse libre et de l’improvisation. Le flamenco et le kathakali en avatar d’une danse tellurique appelant les esprits. Les rondes et les marches des cérémonies religieuses et des danses paysannes. Voire le clubbing, les raves-party dans cette vision singulière et paradoxale d’une danse solitaire au sein d’une communauté où prime l’énergie collective plus que le contact. Et le chant polyphonique médiéval pour sa rythmique singulière et la circulation du souffle et de la voix. C’est tout cela qu’il tente d’embrasser dans un même élan. Avec cette idée prégnante du collectif, de la communauté, du métissage à la fois source, sujet et objet de la danse. Mais le rythme quelque peu étal, la répétition du corpus, que sauvent malgré tout le chant et le dernier tableau dans son originalité, oblitère lentement notre intérêt qui s’effrite. On espérait un souffle fraîchissant il ne fut que mollissant.
© Helge Hansen
Soufflette, chorégraphie de François Chaignaud
Avec Carte Blanche, compagnie internationale norvégienne de danse contemporaine :
Caroline Eckly, Noam Eidelman Shatil, Olha Stetsyuk, Irène Vesterhus Theisen, Anne Lise Ronne, Chihiro Araki, Ole Martin Meland, Mathias Stoltenberg, Thimoty Bartlett, Daniel Mariblanca, Dawid Lorenc, Adrian Bartczak, Harald Beharie, Aslak Aune Nygard
Costumes Romain Brau
Lumières Abigail Fowler
Musique et arrangements Jostein Gundersen
Coach vocal Rikki Lina Sorrel Mathiessen
« Kiling me softly with his song » (Charles Fox / Norman Gimbel) réarrangée par Jostein Gundersen
Direction artistique de carte Blanche : Annabel Bonnéry
Du 12 au 13 juin 2019 à 20h
MC93, Bobigny
9 boulevard Lénine
93000 Bobigny
Réservations 01 41 60 72 72
Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis
Réservations 01 55 82 08 01
www.rencontreschoregraphiques.com
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