© Jean-Christophe Bardot
ƒƒ Article de Victoria Fourel
La Leçon, c’est une histoire de dérapage. C’est l’histoire de cette étudiante qui passe une porte, prête à recevoir un cours particulier, et qui aurait mieux fait de s’abstenir. Dans un échange aux confins de l’absurde, à la fois drôle et de plus en plus inquiétant, on pose la question de la communication, de l’éducation. Et de la folie aussi.
Le professeur habite dans un intérieur blanc, froid, tout en longueur. L’image du tableau vierge et à la fois de l’ascétisme total est évidente. Cette configuration permet de distendre les échanges, qui doivent parcourir de très longues distances pour parvenir de l’élève au professeur. C’est intéressant, et cela force à regarder cet échange comme on regarde un match de tennis. Le décor est beau et en se salissant au fur et à mesure de l’action, devient réellement un tableau de plus en plus souillé.
Le texte, qui offre plusieurs couches d’absurde, commence par la récitation d’évidences rigolotes et se termine par des répétitions de mots dans la douleur. On est pris dans un engrenage, dans une folie d’incompréhension. Ionesco est brillant lorsqu’il nous met face à notre obsession du savoir, et à notre agacement quand les choses ne font pas sens, agacement qui se meut ici en haine.
On apprécie la teneur donnée au personnage de la bonne, qui semble être la seule à ne pas sombrer dans la folie. Elle prévient même le professeur qu’il se met en danger en enseignant l’arithmétique et la philologie. Qui mènent… au pire. Yves Bressiant joue ce personnage avec tous les traits de la femme d’un certain âge, sans rien appuyer pour autant. C’est jouissif, cela donne au spectacle un point de départ clairement comique, ce qui rendra la violence finale d’autant plus surprenante.
On peut passer à côté de certains choix. Le professeur fait trainer ses voyelles, appuyant le côté vieillot du personnage alors que ce n’était pas nécessaire. On a laissé traîner quelques objets modernes pour rendre la mise en scène actuelle, alors que la scénographie toute seule y suffisait. L’étudiante place sa voix dans les aigus, accentuant là encore un trait de caractère du personnage qui était visible dès le départ.
Mais l’escalade dramatique et la mise en valeur du texte sont bien là, et l’on entre de plus en plus profondément dans la folie et dans la pièce. Le public rit, puis est gêné, tendu, cela réagit beaucoup chez les jeunes. Ionesco, pour les lycéens, c’est quelque chose. C’est complètement fou, c’est violent, et en même temps c’est désuet. Malgré ce que l’on peut avoir à redire sur le spectacle, l’objectif d’accrocher ce public est atteint, et l’on a compris la leçon.
© Jean-Christophe Bardot
La Leçon, d’Eugène Ionesco
Mise en scène Christian Scharetti
Scénographie Samuel Poncet
Lumières Julia Grand
Costumes Thibaut Welchlin
Régie générale Brahim Achhal
Avec Yves Bressiant, Jeanne Brouaye, René Loyon
Du 2 au 12 mai 2019
Le jeudi à 19h30
Le vendredi et le samedi à 20h
Le dimanche à 15h30
Durée 1 h 15
Théâtre National Populaire
8 place Lazare-Goujon
69100 Villeurbanne
Réservation 04 78 03 30 00
comment closed