© Philippe Lebruman
article de Nicolas Thevenot
Dans un décor de carton-pâte façon livre pop-up, une femme de chambre nettoie les vitres, s’activant avec son chiffon et son spray, puis avec sa langue. Elle se met à lécher les carreaux.
Dans l’entrée du salon, une forme brune au sol bien en évidence et qui ne fait pas mystère pour qui connaît (a priori tout le monde) l’intrigue de la pièce en un acte de Feydeau, à l’origine de cette mise en scène. Bien sûr, l’industriel en pot de chambre, Follavoine, mettra le pied dedans quand il fera son entrée. Le pot de chambre, fétiche absolu, est ici un pot métallique doré, hommage supposé au fameux Pot Doré de Jean-Pierre Reynaud (Centre Pompidou). Ce pot servira même à l’occasion de tabouret évoquant alors assez ouvertement un énorme gode enfoncé dans le derrière de Mme Follavoine.
Tous les acteurs sont attifés d’une perruque peroxydée façon Donald Trump ou Marine Le Pen, ce qui sociologiquement peut avoir une certaine pertinence.
La bande son propose à l’avenant des prouts dans différentes tonalités.
Au fil de la représentation, les comédiennes jouant la femme de chambre et Mme Follavoine alternent leur rôle, ce qui semble conforme, au moins pour la chambre, à l’usage qu’en faisait la bourgeoisie.
Tout est bien vu et cohérent avec le projet de Feydeau, et l’on comprend parfaitement où veulent en venir les metteurs en scène.
Et pourtant, c’est bien Feydeau que l’on assassine dans la plus grande vanité. Feydeau, dont la mécanique implacable et les dialogues virtuoses dézinguent à toute berzingue cette bourgeoisie en la faisant « chier » pour reprendre la thématique de cet opus, Feydeau qui sous peu sera interné et qui lâche ses derniers pets contre le monstre bourgeois.
L’œuvre du maître du vaudeville est bel et bien anéantie par ces excès de mise en scène. Pourquoi ? Primo, modifier même à la marge ou à la virgule ce texte, sa scansion, grippe instantanément la fine horlogerie d’un rire imparable. Secundo, à vouloir renchérir dans la radicalité pourtant déjà présente dans le texte, et surtout à vouloir expliciter, grossir et surligner ce qui était déjà parfaitement intelligible, on aboutit au résultat inverse : une sorte de maniérisme kitsch pipi-caca, avec des relents de Koons, sans plus aucune charge subversive.
On en sort au bout d’une heure déconcerté. Et même atterré en réalisant que l’on vient de rejoindre le camp des réactionnaires, ceux qui crient au scandale à la moindre liberté prise avec le texte-roi. Ce nous semble malgré tout un mauvais procès que l’on se fait à soi-même.
P.S. : Je tiens à préciser que ma réaction acrimonieuse n’est en rien dictée par le traitement infligé à la journaliste Fabienne Pascaud (citée en voix off) pendant la scène du pied dans la merde.
© Philippe Lebruman
Purge, Baby, purge, texte de Georges Feydeau
Complété par Sophie Perez & Xavier Boussiron
Conception et scénographie Sophie Perez & Xavier Boussiron
Costumes Sophie Perez, Corine Petitpierre
Musique Xavier Boussiron
Lumières Fabrice Combier
Son Félix Perdreau
Sculptures Daniel Mestanza
Réalisation costumes Corine Petitpierre
Avec Sophie Lenoir, Stéphane Roger, Gilles Gaston Dreyfus, Marlène Saldana, et Tom Pezier
Du 13 au 20 avril 2019
Mardi, mercredi, et vendredi à 20h30
Jeudi à 19h30
Samedi 13 avril à 20h30
Samedi 20 avril à 18h
Dimanche à 16h
Durée 1h05
Nanterre-Amandiers
Centre dramatique national
7 avenue Pablo-Picasso
92022 Nanterre Cedex
Réservation au +33 (0)1 46 14 70 00
www.nanterre-amandiers.com
Tournée
Du 23 au 25 mai 2019
Théâtre Saint-Gervais
Rue du Temple 5, 1201 Genève
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