Hymen Hymne © François Volpe, Perrine Valli+Nina Santes
ƒƒƒ et ƒ article de Nicolas Brizault
C’est la deuxième année consécutive que le théâtre de la Bastille et l’Atelier de Paris / Centre de développement chorégraphique national accueillent quatre chorégraphes travaillant sur le vaste et parfois trouble monde réunissant traditions et territoires. Difficile impression ici de s’approcher du terrifiant « tradition et modernité », mais non la question est tout à fait différente. Au moins le travail de Nina Santes pour Hymen hymne, et moins clairement pour SunBengSitting, de Simon Mayer, passant facilement l’un à la suite de l’autre (si on le souhaite) les mêmes soirs.
Hymen hymne met en place devant nous, parmi nous, puisque les spectateurs sont debout sur scène, entourés, touchés, bousculés, l’essence d’une sorcellerie contemporaine, aux racines pourtant profondes, issue de voyages qu’elle a pu faire aux Etats-Unis, au Liban et au Chili. Nina Santes a aussi cherché des sources chez Starhawk, éco-féministe auteure notamment de Rêver l’obscur, femmes, magie et politique, titre résumant beaucoup le travail qui nous a été offert.
Nous sommes plongés dans l’obscur, après avoir récupéré au sol des feuilles portant de bons et courts conseils pour tenter de vivre mieux, se mettre en route vers les combats pour cela au moins. Et ces quatre femmes et cet homme, qui étaient avec nous, invisibles, dans le hall du théâtre, bougent, crient, chuchotent. Lentement il/elles mettent en route un rythme étrange, de plus en plus fort, prenant. Nous tâchons de lutter, sourire encore lorsqu’il/elles s’en prennent à nous, farouchement, simplement. Très difficile. L’envie de plonger, le plongeon même sont à deux pas face à cette force giratoire, massive, ces enlèvements. Mouvements accrocheurs, répulsifs. Ils/elles communiquent avec nous, entre eux, entre elles et la sorcellerie est là, naît et hurle. L’homme termine allongé sur le sol, recouvert peu à peu de voiles, de pièces, on le rend invisible et saint à la fois, respecté et effacé et les quatre danseuses s’enroulent dans la magie, le rite, pas si noir que cela, comme si nous avions là une force sublime, une faiblesse, des corps au sol, convulsés et réunis pour nous apprendre la vie, la vraie, des corps frôlant la possession, le détachement-retour aux sources. Du fou pour du vrai. Nous sommes emportés. Nina Santes et son équipe dépassent les bornes, les réduisent en poussière et leurs cris, gestes, évanouissements nous accompagnent sans doutes vers une nouvelle vérité, plus ample, une source farouche et saine.
Une demi-heure après, Simon Mayer, dans SunBengSitting, nous entraîne lui dans une folie autrichienne folklorique et légère, à deux pas du cirque, de la tentative amusée d’exposition virile. Simon Mayer est né à la campagne, en Autriche, et veut nous livrer des « images-mouvements », allant des vocalises tyroliennes, des danses Schuhplatter, pratiquées le plus souvent par des hommes, de l’utilisation du gentil fouet qui chasse les mauvais esprits, des troncs devenant bancs (le « Sunbeng »), etc. Nous sommes entre-deux, trop ou pas assez. Il y a bien entendu ici du talent, des idées, du pep’s, oui, mais il faudrait remuer tout ça comme une bouteille de bière, et hop ! faire péter l’ensemble, que les bulles soient moins massives et attendues. Danse ou bien humour ? Oui, le choix, vite ! On sent l’envie chez Simon Mayer de nous faire saisir satire et racines, racines revues et reconstruites comme nous le voyons à la fin. Quelques éclats de rire dans la salle, beaucoup d’applaudissements, mais ailleurs des envies de découpes, d’effacements, envies de brandir de grands panneaux « oui, on a compris, vu. » La sympathie nous noie, les à demi nous saoulent. La curiosité sonne à la porte, Simon Mayer est attachant, doué sans aucun doute, nous attendons que la synthèse le fouette un peu.
Simon Mayer – SunBengSitting © Florian Rainer
Hymen Hymne, de Nina Santes
Conception et composition musicale Nina Santes
Création et interprétation Soa de Muse, Nanyadji Ka-Gara, Nina Santes, Betty Tchomanga et Lise Vermot
Création lumières Annie Leuridan
Création sonore Nicolas Martz
Scénographie Célia Gondol
Collaboratrice artistique Lynda Rahal
Costumes en collaboration avec Margot Da Silva et Léa Méier
Consultant travail vocal Jean-Baptiste Veyret-Logerias
Recherche documentaire en collaboration avec Camille Ducellier
Images Camille Ducellier et Cali Dos Anjos
Nina Santes est artiste associée à l’Atelier de Paris de janvier 2019 à décembre 2021
Du 15 au 18 avril 2019, à 19h
Durée 1h30
Sunbengsitting, de Simon Mayer
Conception, performance et musique Simon Mayer
Son et live looping Pascal Holper
Création lumières Lucas Gruber et Hannes Ruschbaschan
Conseil artistique Frans Poelstra
Coordination technique et tournée Jan Maria Lukas
Du 15 au 18 avril 2019, à 21h
Durée 1h15
Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris
T+ 01 43 57 42 14
Réservations accueil@theatre-bastille.com
www.theatre-bastille.com
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