© Gwendal Le Flem
ƒƒƒ article de Nicolas Brizault
La Collection. Une des merveilles de Harold Pinter, écrite en 1961. Comme le dit Ludovic Lagarde, qui a mis en scène cette pièce, seule la cabine téléphonique a disparu. Le reste, suivant, expliquant, éclairant peut-être le titre même, La Collection, reste un mélange de froideur, de mensonge, de désir, d’humour, de violence tentée, une valse entrecoupée, rêche et douce, rapide, aimant et cherchant à frôler des points d’interrogation quasi transparents. De l’évidence et de l’insaisissable.
Nous sommes à Londres. Harry a sorti Bill d’une vie sombre pour qu’il développe son talent de couturier et ils vivent dans une villa de Belgravia. Quartier chic, c’est évident, amour, mille doutes, début des questions naines et discrètes. Stella et James, mariés depuis deux ans, habitent eux à Chelsea. Petit détail, ces deux espaces sont devant nous collés l’un à l’autre, différents et proches, opposés et pourtant liés, allez savoir pourquoi, comment. Le thème de cette pièce ? Autre détail, costumes cette fois-ci : Harry et Bill nous rappellent un autre couple, affaires et coutures, splendide !
Stella et Bill créent, sans se connaître, des vêtements. Vous savez, les outils qui nous recouvrent, nous désignent, nous dissimulent. La Collection débute. James téléphone, encore et encore, inconnu pourtant à Belgravia, sonne à la porte, soupçonné par Harry, allez savoir, d’être un amoureux de plus de Bill, un homme. Il rencontre enfin Bill, expulse et tient encore sa colère : il y a eu très récemment un salon Haute couture à Leeds. Bill et Stella ont couché ensemble.
La boîte est ouverte, les oui, non, pleuvent, on sait, on ne sait pas. Stella avoue et explique, Bill donnent des détails. L’assassinat est proche. Et puis allez savoir, les contraires sont là. Tout est certitude, incertitude, comme des coups silencieux ou non glissants les uns après les autres. Ludovic Lagarde joue avec le texte de Pinter, nous l’expose avec la même force, le même tumultueux silence, les mêmes cris, les mêmes rires froids. Les questions pleuvent face à face, rebondissent et deviennent des images, les masques ouvrant et clôturant le spectacle en sont une preuve. Silence. Lagarde réussit à rendre cette subtilité, l’heure devient, comment dire, « palpable ». Trois heures du matin pèsent. Ailleurs la lenteur du week-end est là. Et jusqu’à l’odeur fine de l’alcool nous entoure. Lagarde nous fait du bien et du mal. Nous sortons de là sans en savoir plus, secoués, perdus. L’opposé du Boulevard éclaboussant. Du possible, du sauvé, un homme jaloux ? Le même qui suit très tard dans la nuit l’éventuel amant de sa femme à l’étage, là où se trouvent sans doute les chambres, loin de la porte d’entrée en tout cas. Lagarde gagne par ce type de détails. Ils sont multiples, construisent la pièce.
Nous sommes à Londres, oui, nous en sommes certains. Harold Pinter nous tient dans sa main grande ouverte et fait circuler devant nous toutes les raisons, les explications, les idées naissantes. Et les efface. Puis elles renaissent. Torture et légèreté. Oui, il nous tient. On ne saisit qu’une chose, ou bien trois, nouveau mystère celui-ci rapidement résolu, écriture – et traduction – mise en scène et jeu exposent une essence certaine du talent.
© Gwendal Le Flem
La Collection, de Harold Pinter
Mise en scène de Ludovic Lagarde
Traduction Olivier Cadiot
Dramaturgie Sophie Engel
Scénographie Antoine Vasseur
Collaboration à la scénographie Éric Delpla
Costumes Marie La Rocca
Maquillages, perruques et masques Cécile Kretschmar
Son David Bichindaritz
Vidéo Jérôme Tuncer
Assistante à la mise en scène Céline Gaudier
Assistante à la traduction Sophie Mickeown
Assistante costumes Peggy Strum
Stagiaire à la mise en scène Lisa Pairault
Couturière Armelle Lucas
Assistante maquillages, perruques et masques Mityl Brimeur
Régie générale François Aubry
Régie plateau Éric Becdelièvre
Régie lumière Sylvain Brossard
Construction du décor Atelier du Grand T – Nantes
Avec Mathieu Amalric, Valérie Dashwood, Micha Lescot, Laurent Poitreneaux
Du 07 au 23 mars 2019
Du mardi au samedi à 20h30
Matinées les samedis à 15h30
Théâtre des Bouffes du Nord
37bis Boulevard de la Chapelle
75010 Paris
Réservation 01 46 07 34 50
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