© Florence Merle
ƒ ƒ article de Victoria Fourel
Tartuffe, le faux dévot, le voyou, l’escroc de la spiritualité. Ce chef d’œuvre connu des passionnés de théâtre comme des lycéens, est revisité par Florence Merle, dans une mise en scène qui actualise la figure du gourou et du dévot, à l’ère du développement personnel et de la tyrannie du bonheur.
Visuellement, tout de suite, le charme opère. Sobre mais parfait, le décor nous emmène dans une modernité blanche, lisse, branchée « bien-être ». Même chose pour les très belles lumières de Jean Tartaroli, qui usent de moments brillants, quasi éblouissants, de néons, et d’ambiances vraiment léchées. Les quatre comédiens sautent de personnage en personnage, aidés par quelques accessoires. Même s’il est parfois difficile d’accompagner ces changements de casquette d’une interprétation parfaitement juste, c’est une jolie façon de réduire le nombre d’acteurs, et de donner du rythme au spectacle.
Rythme, qui justement, peine d’autre part à se trouver. La diction des vers est bonne, mais le tout mériterait d’être davantage parlé pour coller à l’ambiance moderne que donne le visuel. On sent que la profondeur dans les interprétations varie d’un moment à l’autre, et qu’il est difficile pour les comédiens d’être complètement dans l’instant et dans l’enjeu.
Cette mise en scène, qui a pour elle un postulat malin et vraiment intéressant mériterait justement de davantage poser l’ambiance. Car cette comédie de nos jours peut vraiment être sombre. Et c’est clairement un désir de la metteure en scène que de la rendre sombre, mais sans l’installer tout à fait. En effet, on pourrait rendre la soumission d’Orgon si détendue, si normale, si ordinaire, qu’elle en deviendrait vraiment inquiétante. Car on sent dans cette version de Tartuffe un vrai talent pour la relecture intelligente du classique.
Bilan de cette plongée dans la comédie et la manipulation : une formidable idée pour nous montrer un Molière profondément ancré dans notre temps. Le tout sans modification dans le texte. Et le besoin malgré tout de toujours revenir à l’enjeu, au premier degré. Parce que c’est en jouant les échanges au plus simple que cette troupe parviendra à vraiment nous toucher, à vraiment nous faire peur avec ce Tartuffe « spirituel. »
© Florence Merle
Tartuffe, de Molière
Mise en scène Florence Merle
Scénographie Florence Merle et Jean Tartaroli
Création Lumière Jean Tartaroli
Création musicale Pierrick Goerger
Avec Olivier Lamoille, Claude Lesko, Florence Merle et Martin Navizet-Sapet,
Du 29 janvier au 10 février 2019
Le mardi, vendredi et samedi à 20h30, le mercredi et jeudi à 19h30
Le dimanche à 16h
Durée 1h40
Espace 44
44 rue Burdeau
69001 Lyon
Réservation au 04 78 39 79 71
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