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ƒƒ Article de Corinne François-Denève
Tout compte fait, il suffit de pas grand chose pour réussir Qui a peur de Virginia Woolf ? Il suffit après tout d’une arène où on lâche les deux fauves et les deux petits lionceaux. Certes, il faut aussi une bonne traduction, et celle de Daniel Loayza est comme souvent excellente (on relève en passant les jouissifs « jeu de baises musicales » et « souris du Missouri »), même si, précise et fine, elle est pleine de chausse-trappes pour les comédiens. Accessoirement d’ailleurs, il faut aussi quatre bons acteurs, rompus à l’endurance (la pièce dure plus de deux heures), et à la technique (puisqu’il faut incarner, dans une ébriété ascendante, les diverses nuances des sentiments humains, et se prêter à la grandiloquente parodie de tragique, qui n’est finalement en rien parodique). Cela tombe bien, on les a aussi, en la personne de Frédérique Lazarini et Stéphane Fiévet, pour les meneurs de jeu faussement mûrs mais réellement sadiques, et d’Aurélien Chaussade et Agnès Miguras en jeune version d’eux-mêmes, encore beaux et propres, mais déjà souillés en-dedans par les compromissions et la médiocrité (universitaires ou simplement humaines).
Sur le plateau, les personnages croulent sous le poids d’une bibliothèque rendue sur une toile peinte : elle est transparente, volète parfois, montre bien que ce n’est pas le savoir, mais sa montre, qui écrase les protagonistes – la pièce se passe dans une université américaine, dans les années 1960. A jardin une échappée vers l’entrée, à cour deux sorties vers un escalier monumental qui mène à la maison du (faux) maître du campus, et un autre dégagement qui ouvre vers la cuisine et les toilettes, espaces qui seront, in absentia, singulièrement occupés par les personnages, dès qu’ils disparaissent de scène.
Sur le plateau, les personnages circulent du sofa au fauteuil, du tourne-disques au bar, verre et cigarette en main. La chorégraphie est claire et parfaitement maîtrisée. De cette pièce très théâtrale, l’ensemble de l’équipe fait un spectacle en trois actes à la violence graduelle, implacable et puissante. Au bruit et à la fureur, une fois les comptes réglés, succède la catharsis finale. Pièce bien faite, à la facture classique, mais qui ouvre la possibilité de nuances nombreuses, ce Qui a peur de Virginia Woolf ? solide et maîtrisé est fort rassurant en ces temps de rentrée théâtrale.
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Qui a peur de Virginia Woolf ? d’Edward Albee
Traduction de Daniel Loayza
Mise en scène Panchika Velez, assistée de Mia Koupman
Avec Aurélien Chaussade, Stéphane Fiévet, Frédérique Lazarini, Agnès Miguras
Scénographie Jean-Michel Adam
Costumes Caroline Martel
Lumières Marie Hélène Pinon
Son Fred Fresson
Chant Marie Ruggieri
Guitare Antonin Fresson
Saxophone Balthazar Naturel
Durée : 2 h 15 sans entracte
Du 10 septembre au 27 octobre 2018
Lundi à 19h, mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 20h45
Matinée samedi à 16h
Relâche exceptionnelle lundi 24 septembre 2018
Théâtre 14
20, avenue Marc Sangnier, 75014 Paris
Location : 01 45 45 49 77
http://theatre14.fr
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