© Simon Gosselin

ƒ article de Jean Hostache

A la croisée entre théâtre et cinéma, Cyril Teste poursuit ses recherches, qui ne cessent de déplacer le cadrage théâtral, en proposant une adaptation inédite de Festen.

C’est de cette ligne ténue, de ce regard dédoublé sur le présent, dont il s’agit à nouveau quand la vidéo rencontre le théâtre. Performer le tournage d’un film, capter le direct, s’immiscer dans les interstices du réel pour contredire la représentation. Nous avions déjà pu admirer la manipulation magistrale de ce double emploi, de cette diffraction du cadre, dans les précédentes mises en scène de Cyril Teste, et notamment dans Nobody qui avait été tout à fait applaudit il y a quelques saisons. Ici, la vidéo transcende ses propres limites et dédouble encore l’espace et la représentation. Sans en dire trop et davantage, des sursauts de brillantes idées viennent filmer, nous montrer, et nous faire presque admettre l’impossible. Jouant sur la présence et l’absence des personnages, la caméra est une fenêtre sur le vide, un espace mental pour le souvenir. Elle vient ressusciter nos fantômes intérieurs et endormis, pour ramener violemment le passé dans le flux du présent.

Cela se conjugue à merveille avec le drame douloureux qui se joue devant nous, lors d’une joyeuse fête où les langues se délient, et qui vire lentement à une véritable tragédie. On se souvient bien sûr des émotions palpitantes lors de de son premier visionnage du film de Vinterberg : une histoire douloureuse à recevoir, une esthétique absolument novatrice et manifeste ouvrant la porte à l’aventure du Dogme95, et des acteurs criant de justesse. Ici son adaptation au théâtre passe à côté de certains enjeux, sans réellement apporter une nouvelle lecture de l’œuvre du cinéaste. L’esthétique et la planification de la vidéo en temps réel est très bien léchée, la scénographie monumentale, mais l’interprétation de certains des comédiens reste à l’écart de la grandeur du projet. La plupart sont épargnés par la difficulté de l’exercice et le réalisent avec brio, mais d’autres n’échappent malheureusement pas à la complexité qui nécessite de plonger dans les enjeux de ce drame, de tenir le spectateur actif dans son va et vient entre le plateau et l’écran, et de surtout rester à l’écoute de ses partenaires, de ce qui se joue, et du présent.

La caméra ne pardonne malheureusement pas tout, bien qu’elle colonise des espaces venant défier les lois du théâtre, et qui stimule délicieusement l’esprit et les perceptions du spectateur.

Festen de Thomas Vinterberg et Mogens Rukov

Adaptation théâtrale Bo Hr. Hansen
Mise en scène Cyril Teste
Adaptation française Daniel Benoin
Collaboratrices artistiques Sandy Boizard et Marion Pellissier
Scénographie Valérie Grall
Illustration olfactive Francis Kurkdjian
Conseil et création culinaires Olivier Théron
Création florale Fabien Joly
Création lumière Julien Boizard
Image Nicolas Doremus
Cadreur Christophe Gaultier
Montage en direct  Mehdi Toutain-Lopez ou Claire Roygnan
Compositing Hugo Arcier
Musique originale Nihil Bordures
Chef opérateur son Thibault Lamy

Avec Estelle André, Vincent Berger, Hervé Blanc, Sandy Boizard ou Marion Pellissier, Sophie Cattani, Bénédicte Guilbert, Mathias Labelle, Danièle Léon, Xavier Maly, Lou Martin-Fernet, Ludovic Molière, Catherine Morlot, Anthony Paliotti, Pierre Timaitre, Gérald Weingand et la participation de Laureline Le Bris-Cep

Du 24 novembre au 22 décembre, du mardi au samedi à 20h
le dimanche à 15h
Relâche le dimanche 26 novembre

Théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier
1, rue André Suares
75017 Paris (angle du bd Berthier)

Métro : Porte de Clichy (ligne 13 / sortie avenue de Clichy / Bd Berthier, côté Timhôtel)
RER : Porte de Clichy (RER C, sortie avenue de Clichy)
Bus : PC3, 138, 173, 54, 74, N15 et N51

Réservations au 01 44 85 40 40

http://www.theatre-odeon.eu/fr/

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