À l'affiche, Critiques // En miettes, librement adapté de Jacques ou la Soumission et Journal en miettes d’Eugène Ionesco, mise en scène Laura Mariani, au Théâtre de Belleville

En miettes, librement adapté de Jacques ou la Soumission et Journal en miettes d’Eugène Ionesco, mise en scène Laura Mariani, au Théâtre de Belleville

Mar 10, 2017 | Commentaires fermés sur En miettes, librement adapté de Jacques ou la Soumission et Journal en miettes d’Eugène Ionesco, mise en scène Laura Mariani, au Théâtre de Belleville

ƒ Article de Victoria Fourel

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© Vincent Vandries

Camille ? Hé ho ! Camille ! Amorphe et silencieux, Camille s’est muré dans le mutisme. Il n’est plus dans le cercle familial, dans la ronde. On veut le déshériter ! On regrette sa naissance ! On lui parle gentiment, pour voir si ça le réveille. Tout pour qu’il rentre dans le rang. Jusqu’à lui proposer de la compagnie. Un alter ego qui éveille l’envie d’évasion, dans un monde plein de murs.

Les thèmes que la création croise sont fascinants, surtout au détour de l’adolescence, quand on est jeune adulte, face à la perte de l’insouciance, de l’inconscience, même. La transformation du présent en temps, le moment où chaque chose n’est plus vécue dans l’instant, mais dans une continuité, une ligne qui file. Ionesco en décrit l’absurde et la douleur. Tout perd son sens en en prenant. C’est une vraie réflexion sur la forme que l’on prend dans le groupe, la place, la tenue que l’on a au sein de la société, réflexion rendue prégnante par l’usage fait du corps du comédien principal, circassien au corps mobile, malléable.

Il y a de belles images, donc, comme les tapisseries, les décorations intérieures qui débouchent sur d’autres couches lorsqu’on les gratte, des murs sous les murs. De même, les objets du quotidien que l’on transforme, comme lorsqu’enfant, on utilise les lits, les lampes ou les tables comme des remparts, des ponts. Le texte aussi fait de belles percées dans le journal de Ionesco, joue avec l’absurde propre à l’auteur, mais aussi avec sa poésie, sa mélancolie.

L’écueil du montage de texte devient cependant visible au fur et à mesure du spectacle. Impossible d’en saisir toutes les couches et le liant si l’on n’est pas familier du sujet. Les personnages aussi sont difficiles à cerner, certaines interprétations et certains pans de texte semblent moins percutants, voire récités, comme si, détachés de leur amarrage littéraire, ils devenaient scolaires. Problème dans la direction ou dans le jeu, donc, qui donne de grosses inégalités de niveau entre les comédiens.

Direction qui pourtant ne manque pas d’intérêt : de nombreuses idées simples mais très contemporaines, un goût du décalage du réel, et d’un suranné doux-amer. C’est un théâtre jeune et ancré dans ce qui se fait aujourd’hui, qui connaît ses codes sur le bout des doigts. Jusqu’à un final un peu rapide et difficile à interpréter, par son utilisation isolée du son et ses grands pans de texte, En miettes veut dire beaucoup, mélange drame, naïveté, inventivité, texte à nu, travail de la voix, et se perd un peu. Restent les thèmes abordés, une exploration du temps qui passe, qui touche lorsqu’elle est légère et portée par la folie de Ionesco.

En miettes
librement adapté de Jacques ou la Soumission et Journal en miettes d’Eugène Ionesco, mise en scène et adaptation : Laura Mariani.
Avec Ariane Blaise, Anthony Binet, Emilien Janneteau, Sylvain Porcher, Vincent Remoissenet et Coralie Russier

Du mardi 7 au samedi 18 mars 2017.
Mardi à 19h15, du mercredi au samedi à 21h15.

Théâtre de Belleville
94 rue Faubourg du Temple 75011 Paris
Métro Goncourt et Belleville
Réservation 01 48 06 72 34
www.theatredebelleville.com

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