ƒƒƒ article de Jean Hostache

©Hervé Deroo

Avec une telle danse, Maguy Marin réveille les morts – c’est-à-dire nous !

Au seuil de la représentation un noir brutal et tranchant nous impose l’écoute et le silence. Un noir qui coupe le souffle, et qui nous met en tension tout au long de la représentation. Une apnée en somme, qui s’étire jusqu’aux applaudissements du salut. Ce n’est alors qu’à ce moment que l’on commence maladroitement à reprendre son souffle. En réalité, la puissance de la chorégraphie et des tableaux qu’on nous propose est telle, que l’on suffoque devant la beauté et l’énergie qui nous fait face.

Avec BiT Maguy Marin semble ouvrir une fenêtre bien gardée sur l’enfer. Ces farandoles aux rythmes démoniaques – inspirées d’un vocabulaire folklorique et de danse de caractère, où l’on frappe le sol pour convoquer des sphères chtoniennes, telluriques et primitives – apportent un éclat frénétique au mouvement, et rend compte d’une pulsion impétueuse qui, une fois mis en branle, lâche les rênes pour ne plus savoir comment s’arrêter. Les six interprètes, en bon Sisyphe contemporain, sont embarqués dans ce tourbillon déchaîné. Une joyeuse danse qui – comme dans le conte de Giselle, des Souliers Rouges ou encore de certaines traditions bretonnes – épuise jusqu’à la mort. Le spectacle n’a pourtant rien de narratif. Néanmoins il trouve la force de combiner un appareillage bien plus intéressant pour le sens, et donne au spectateur nombreuses manières de le sémiotiser. Les interprétations seront donc plurielles au sortir de la représentation. Nous pourrons dire en revanche que ce spectacle crayonne un portrait social obscur et violent, qui vient racheter celui du spectateur dans la salle, selon un processus cathartique latent et insidieusement délicieux. Quand bien même persiste la joie des danseurs à s’embarquer main dans la main dans ce folklore cadencé, toute idée de gaîté est avortée en premier plan par le glas d’une « techno-cardio » (une musique inédite signée Charlie Audry), qui vient brillement déranger la fête et apporter un contre point sur mesure. Comme d’ailleurs la figure des trois Parques fait son apparition dans le spectacle, être face à BiT c’est tutoyer les ténèbres le temps d’une représentation. Pourtant, on ne trouve ici rien de morbide ou de macabre qui viendrait plomber notre existence de mortelle. Bien au contraire. La chose est traitée de telle manière, qu’il s’agirait d’avantage d’une bonne vitamine que d’aller voir ce spectacle, et que d’un poison funeste servit sur un plateau.

BiT
Conception : Maguy Marin
Direction technique et lumières : Alexandre Béneteaud
Musique : Charlie Aubry
Décors et accessoires : Louise Gros, Laura Pignon
Réalisation costumes : Nelly Geyres
Assistée de : Raphaël Lo Bello
Son : Antoine Garry
Régie plateau : Albin Chavignon
Dispositif scénique : la compagnie Maguy Marin

Avec : Ulises Alvarez, Kaïs Chouibi, Laura Frigato, Daphné Koutsafti, Françoise Leick, Cathy Polo, Ennio Sammarco, Marcelo Sepulveda

Théâtre de la Ville avec le Théâtre du Rond-Point
Du 7 au 11 février à 20h30

Théâtre du Rond-Point
2bis Avenue Franklin D.Roosevelt 75008 Paris
Métro Franklin D.Roosevelt ou Champs-Élysées Clémenceau
Bus 28, 42, 73, 80, 93

Accueil

Réservations au 01 44 95 98 21

Tournée :
14 mars Théâtre de Nîmes (30)
28 et 29 avril Teatro Municipal/ Porto Rivoli (Portugal)
12 et 13 mai Pavillon Noir/ Aix en Provence (13)

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