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Je suis Fassbinder, mise en scène Stanislas Nordey et Falk Richter, au théâtre de la Colline

Mai 21, 2016 | Commentaires fermés sur Je suis Fassbinder, mise en scène Stanislas Nordey et Falk Richter, au théâtre de la Colline

ƒ article de Florent Mirandole

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© Jean-Louis Fernandez

C’est par la mise en scène d’une conversation houleuse entre Rainer Werner Fassbinder et sa mère, interprétée respectivement par Stanislas Nordey et Laurent Sauvage, que commence Je suis Fassbinder. Les deux autres comédiens de la pièce filment la conversation houleuse, et la projette sur un écran géant derrière, en référence au film que le cinéaste allemand a lui même tourné avec sa mère. A la différence près que les deux protagonistes abordent ici des sujets contemporains. Au milieu des bouteilles de vin et des mégots écrasés, les deux s’affrontent sur l’immigration, les viols de Cologne, le fascisme… si le titre ne laissait déjà pas de doute, la scène d’ouverture chasse les dernières interrogations. Je suis Fassbinder est une pièce politique.

Le duo Nordey/Richter ne s’est pas embêté de nuance. La pièce ne cherche d’ailleurs pas à cacher les ficelles du parallélisme qu’elle construit entre la période des années 1970 en Allemagne et la période actuelle en France. Miné par le terrorisme, la crise du politique, la xénophobie, certains sont tentés de se tourner vers les extrêmes, vers « le bon dictateur » comme le reconnaît benoitement la mère de Fassbinder, la vraie. Dans la pièce, le FN et Pegida sont les pendants des mouvements fascistes allemands des années 1970, le terrorisme de Daech celui du terrorisme de la bande à Baader/Meinhof.

Le propos est clair, la charge lourde, mais la pièce ne s’arrête pas au simple tract politique. Par un jeu de distanciation constant, derrière les scènes reprises ou inspirées des films de Fassbinder percent souvent les personnages contemporains. Ainsi Laurent Sauvage se trompe régulièrement de noms pour appeler son fils Fassbinder/Nordey, mêlant ses propos crispants au comique de répétition. Aux années 1970, les metteurs en scène ont eu l’intelligence d’ajouter une pointe d’humour. Surtout, loin d’un brulot politique, la scène laisse également de la place à l’improvisation, au doute, au n’importe quoi. Ainsi le metteur en scène star organise au milieu des dialogues avec la mère de Fassbinder, ou de la projection appuyée d’images d’archives, de moments d’intense liberté. Après la conversation houleuse, les images d’archives et la petite partition contre le racisme et la xénophobie, les acteurs commencent à… s’ennuyer. En robe de soirée, nus, ou une bouteille à la main, les acteurs demandent du texte, des lignes une mise en scène au metteur en scène star qui excelle dans l’auto dérision. Ces petits moments de liberté apportent un peu d’espace de réflexion devant la mécanique un peu manichéenne des deux metteurs en scènes. La scène est étrange, un peu décalée, et les comédiens s’en donnent à cœur joie.

Ces scènes, pour drôles qu’elles soient, s’insèrent maladroitement dans la pièce plus écrite où se mêlent références à la filmographie de Fassbinder et réflexions contemporaines. Surtout, les deux artistes brassent large, peut être trop large. Alors que la tentation fasciste en période de crise est déjà un sujet en soit, la pièce évoque également la place de la femme dans la société, la place l’homosexualité. Bien entendu ces combats résonnent encore aujourd’hui, mais la pièce se perd au final dans un discours convenu, trop large et trop facile pour surprendre.

La conclusion finale de Stanislas Nordey, visant à s’assurer que nous sommes tous bien opposés au racisme, ne réussit pas à fédérer toutes les facettes de la pièce, mais plutôt à une tentative un peu vaine de redonner au dernier moment un semblant de colonne vertébrale. Reste les acteurs, qui suffisent parfois à animer des scènes à la dérive. Ainsi l’impeccable Laurent Sauvage incarne la mère de Fassbinder projetée dans un monde contemporain ou Pegida et Marine Le Pen menacent. Il faut également souligner l’interprétation assez exceptionnelle de Thomas Gonzalez, qui sans avoir de rôle vraiment bien dessiné, se crée un personnage assez fascinant de gigolo survolté.

Je suis Fassbinder
mise en scène Stanislas Nordey et Falk Richter
collaboration artistique Claire ingrid Cottanceau
dramaturgie Nils Haarmann
scénographie et costumes Katrin Hoffmann
assistanat aux costumes Juliette Gaudel
assistanat à la scénographie Fabienne Delude
lumière Stéphanie Daniel
musique Matthias Grübel
vidéo Aliocha Van der Avoort
régie générale Thierry Cadin

Avec Thomas Gonzalez, Judith Henry, Éloise Mignon,
Stanislas Nordey, Laurent Sauvage
Du 10 mai au 4 juin

La Colline-Théâtre national
2, rue Malte Brun – 75020 Paris
Réservations 01 44 62 52 52
www.colline.fr

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