Critiques // « Le Réformateur » de Thomas Bernhard par André Engel au Théâtre de l’Œuvre

« Le Réformateur » de Thomas Bernhard par André Engel au Théâtre de l’Œuvre

Sep 17, 2015 | Commentaires fermés sur « Le Réformateur » de Thomas Bernhard par André Engel au Théâtre de l’Œuvre

ƒ  article de Dominika Waszkiewicz

LIBRE_(c)Dunnara_MEAS_Réformateur_D2X56© Dunnara MEAS

Créé en 1991 à la MC93 de Bobigny et, déjà, avec Serge Merlin dans le rôle-titre, Le Réformateur est un quasi-monologue de presque deux heures. À l’image de son poisson rouge, le protagoniste est prisonnier, enfermé dans le carcan étriqué et lisse d’un intérieur bourgeois signé Nicky Rieti. Incompris de tous et auteur d’un Traité de la réforme du monde pour lequel il va être nommé docteur honoris causa, il se plaît à torturer sa compagne, délicieuse Ruth Orthmann à peine grimée d’une tache de vin. Cloué à son fauteuil (ou du moins le feint-il), il déverse toute sa hargne sur elle, se plaint de tout, de ses traducteurs et de la cuisson des œufs en passant par la Suisse et la nature.

Enveloppé dans un grand drap blanc par Chantal de la Coste, espèce de bonnet d’âne sur le crâne, Serge Merlin nous campe un tyran oscillant entre l’attendrissante bonhomie d’un Alceste malade imaginaire et la vieillesse sèche et crue d’un Voltaire en cheveux. Transposé dans l’optimisme radieux du XVIIIe siècle, comme un pied de nez cynique à notre néopositivisme contemporain, le texte parle de l’impossibilité d’être compris, d’être aimé, d’être tout court. Toute cette cruauté, déployée en une diaprure de nuances confinant parfois à la folie la plus extrême et qui dévoile tout le talent et la fougue d’un comédien intemporel, s’immisce en nous avec des remugles beckettiens de fin du monde. Car dans cette sénilité ridicule et grotesque transparaît toute la tragique décadence de la condition humaine. Et ce roi déchu, ce nihiliste forcené ne peut qu’abjurer face au non-sens de ses idées. Finalement, tout n’est que néant. Et l’on ne peut s’empêcher de penser à la surprenante cohérence des choix de Serge Merlin qui place son Réformateur quelque part entre le roi Lear et Hamm de Fin de partie.

Le Réformateur
Texte Thomas Bernhard
Mise en scène André Engel
Décors Nicky Rieti
Costumes Chantal de la Coste
Lumières André Diot
Son Pipo Gomes
Assistante à la mise en scène Ruth Orthmann
Coiffure Marie Luiset

Avec Serge Merlin, Ruth Orthmann, Gilles Kneusé
L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté.
Du 8 septembre au 11 octobre 2015

Du mardi au samedi à 21h
le dimanche à 15h

Théâtre de l’Oeuvre
55, rue de Clichy – 75009 Paris
réservations 01 44 53 88 88
http://www.theatredeloeuvre.fr

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