ƒ article de Florent Mirandole

© Pascal Gély

« La Mort de Tintagiles » s’ouvre sur un poème. Les vers de « Pour un tombeau d’Anatole », de Stéphane Mallarmé, sont projetés sur le fond de scène en guise de prologue. Denis Podalydès, adepte des lectures, a cru bon d’ajouter sa voix au poème. La lecture des vers donne l’impression d’assister à un cours un peu monotone. Elle plonge ainsi très tôt le public dans un demi-ennui agacé. Alors que 10 minutes à peine se sont écoulées, le temps se fait déjà long. Malheureusement la suite de la pièce ne permettra pas d’effacer ce sentiment d’artifice et de solennité forcée.

La pièce s’ouvre sur l’arrivée inattendue de Tintagiles auprès de ses deux sœurs, Ygraines et Bellangère. La surprise se mue rapidement en une inquiétude contenue lorsqu’elles apprennent que c’est la Reine qui l’a fait venir. Enigmatique et invisible, niché au sommet d’un château sans vie, le personnage de la Reine se fait rapidement omniprésent. Tel un Farghestan lointain et fantasmé, son personnage invisible cristallise toutes les peurs souterraines et obscures. L’arrivée de l’enfant dans ce décor de mort provoque ainsi l’incompréhension et surtout la crainte des deux sœurs. Denis Podalydès a décidé d’accompagner la simplicité glaçante du texte de Maeterlinck par une mise en scène minimaliste. Au milieu d’un plateau quasi vide, seules quelques rares flammes viennent percer l’obscurité gothique de la scène.

Ce décor de ténèbres semble peser également sur les deux comédiennes. Leur jeu trop solennel ne les aide pas à transmettre au public toute la tendresse maternelle matinée d’inquiétude avec laquelle elles entourent leur frère. Les deux comédiennes semblent ainsi avancer mécaniquement vers l’issue que l’on devine fatale, reléguant leur personnage au second plan de la pièce.

Heureusement, plusieurs choix sont des réussites. D’abord l’idée audacieuse de faire incarner Tintagiles par un pantin se révèle très riche. Le visage impassible et d’une blancheur de marbre contraste avec toute l’étrangeté que le texte peut faire surgir. Le trouble devant cet enfant désincarné est renforcé par le comédien qui lui prête sa voix. Ce ton inexpressif et monocorde à travers lequel passent des mots d’enfants renforce le malaise lugubre dont est imprégné le texte.

Il faut également souligner le jeu de lumière efficace de scénographie. Alors que se rapproche de plus en plus l’échéance fatale, le clair-obscur de l’éclairage penche de plus en plus vers la nuit, les ténèbres. Les derniers mots échangés entre le frère et sa sœur au sommet d’un donjon sont accompagnés par la petite flamme agitée et fébrile de la lampe que tient Ygraine, incarnant alors le dernier souffle de vie sur la scène.

Agréable esthétiquement et musicalement, et malgré quelques trouvailles séduisantes, la mise en scène de Denis Podalydès peine néanmoins à sublimer le texte de Maurice Maeterlinck.

La Mort de Tintagiles
Texte Maurice Maeterlinck
Mise en scène Denis Podalydès, Sociétaire de la Comédie-Française
Conception musicale Christophe Coin et Garth Knox
Scénographie Olivier Brichet
Lumières Stéphanie Daniel
Costumes Géraldine Ingremeau
Maquillage et coiffure Gwendoline Quiniou
Création sonore Bernard Vallery
Marionnette Amélie Madeline
Harpe éolienne Sylvain Ravasse
Construction Alexandra Epée, Nicolas Gérard, Jean-Philippe Lamarque et Pascal Lefay
Avec  Christophe Coin violoncelle et barytons à cordes, Adrien Gamba Gontard Tintagiles, Garth Knox Aglovalealto, viole d’amour, Leslie Menu Ygraine et Clara Noël Bellangère.

Du 12 au 28 mai 2015
Du mardi au vendredi à 21h
Le samedi à 15h30 et 21h, relâche les dimanche et lundi

Théâtre des Bouffes du nord
37 bis, bd de La Chapelle – 75010 Paris.
Métro La Chapelle
Réservation 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com

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