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7 Minutes, de Stefano Massini, mis en scène par Maëlle Poésy, avec la troupe de la Comédie Française, au Théâtre Public de Montreuil

Nov 17, 2022 | Commentaires fermés sur 7 Minutes, de Stefano Massini, mis en scène par Maëlle Poésy, avec la troupe de la Comédie Française, au Théâtre Public de Montreuil

 

© Vincent Pontet coll. Comédie-Française

 

ƒƒƒ article de Hoël  Le Corre

Par la plume de Stefano Massini, et sous la direction de Maëlle Poésy, 7 Minutes nous offre un thriller social et politique à couper le souffle. Dans un huis-clos qui n’est pas sans rappeler celui de Douze Hommes en Colère, onze femmes vont devoir prendre une décision qui dépasse leur simple personne, qui dépasse même les deux cents ouvrières de l’usine de Picard et Roche qu’elles représentent.

Alors que leur entreprise de confection de chemises, en bonne santé financière, vient d’être rachetée, ce comité d’usine comme il en existe en Italie (ici pas de syndicalisme mais un groupe d’ouvrières élues pour représenter les cent-quatre vingt-dix autres) s’attend au pire. Leur porte-parole est restée enfermée quatre heures avec les « cravates », cela doit bien présager que les conditions pour sauvegarder les emplois vont être drastiques, voire vont laisser certaines sur le carreau. Quatre heures de discussion doivent bien faire preuve d’âpres négociations… Pourtant, quand Blanche, la porte-parole, ressort de cette discussion, elle ne peut qu’annoncer la bonne nouvelle : tous les emplois seront gardés, à condition de rogner de sept petites minutes la pause quotidienne. Euphorie, soulagement, reconnaissance même envers ces « cravates qui font l’effort de racheter l’usine ».

Oui, mais voilà, Blanche a un mauvais préssentiment, qu’elle ne parvient pas tout à fait à expliquer. Quoiqu’il en soit, elle exhorte les autres membres du comité à bien réfléchir avant de signer d’emblée. S’ensuit alors un échange musclé, à bâtons rompus entre ces femmes qui ont toutes des parcours professionnels et intimes dfférents et des intérêts divers à garder leur emploi. Dans ce partage intense, l’évidence première vacille au gré des échanges de points de vue, mais elle reste aussi ancrée chez certaines. Et c’est ce qui fait toute la force de ce texte. Tout peut basculer à tout moment, et les spectateurs cheminent avec elles, dans leurs réflexions, leurs doutes, leurs peurs, leurs déterminations et leurs engagements.

Jamais manichéenne, la dramaturgie expose des arguments, contre-arguments, plus ou moins élaborés ou instinctifs, plus ou moins politiques ou personnels. Dans ces errances et cette suspension du temps, on finit par s’attacher profondément à chacune d’entre elles et on comprend leurs cheminements. Et plus loin encore, on se retrouve devant un véritable dilemme, devant un choix de société, devant une responsabilité politique. Se développe sous nos yeux une véritable dissection de la valeur marchande du travail, des mécanismes structurels à l’œuvre dans la société capitaliste. Qu’est-on prêt à abandonner pour « avoir un travail à tout prix » ? Ces sept petites minutes ne sont-elles qu’un test de la part des patrons pour détricoter progressivement les droits des travailleuses ? Est-ce un cadeau qu’elles font aux patrons ou est-ce un droit légitime à revendiquer ? Et qui est-on pour prendre une décision si cruciale pour deux cents personnes ? Quelles conséquences aura cette décision au-delà de cette usine précise ?

Pour ncarner ces personnages aux prises avec « le concret » et « l’idée », les onze comédiennes sont littéralement prises en étau dans un dispositif bifrontal. La mise en scène de Maëlle Poésy ressemble à un jeu d’échecs où chacune avance ses pions sans stratégie malveillante mais en tentant d’écouter ses instincts et ses convictions. Magnifique chœur de femmes où les tirades puissantes succèdent à des réflexions lancées comme des boulets de canon, Sept Minutes nous entraîne dans un rythme éffrené, celui du temps qui s’écoule avant de donner « la » décision aux patrons. Une partition où les silences valent autant que les mots, où les corps s’engagent, s’affolent, s’épuisent et se recroquevillent pour mieux s’insurger ensuite. Chacune de ses ouvrières déploît son discours, parfois maladroitement, mais toujours sincèrement, et elles se dévoilent intimement sans jamais oublier qu’elles représentent un collectif plus grand qu’elles. Une performance poignante et un texte qui nous habitera encore longtemps…

 

© Vincent Pontet coll. Comédie-Française

7 Minutes, de Stefano Massini

Mise en scène Maëlle Poésy
Traduction : Pietro Pizzuti
Dramaturgie : Kevin Keiss
Scénographie : Hélène Jourdan
Costumes : Camille Vallat
Lumières : Mathilde Chamoux
Son : Samuel Favart-Mikcha
Maquillages, coiffures et perruques : Catherine Saint-Sever
Assistanat à la mise en scène : Aurélien Hamard-Padis

Avec la troupe de la Comédie-Française

 

Durée : 1 h 35

Du 9 au 13 novembre 2022

Mercredi, jeudi et vendredi à 20 h
Samedi à 18 h
Dimanche à 17 h

 

 

Théâtre Public de Montreuil

Salle Jean-Pierre Vernant

10 place Jean-Jaurès

93100 Montreuil

 

Téléphone : 01 48 70 48 90

www.theatrepublicmontreuil.com

 

 

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