© Darek Szuster
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
40° sous zéro, c’est complétement givré ! Un Copi follement queer. Deux pièces du dramaturge argentin qui n’aurait sans doute pas renié cette mise en scène hallucinée. Des créatures hors-norme, pas d’autre terme, pour une cérémonie foutrement trash. C’est du grand-guignol burlesque, grotesque et punk. Et sophistiqué avec ça ! Costume de Lacroix, rien que ça, tout aussi barré lui aussi, qui pour l’occasion donne dans le recyclage haute-couture. Ça tranche, ça saigne. Ça chie, ça chiale. Ça éructe. Ça se pique, ça sniffe. Ça s’entretue, ça crève salement et ressucite illico. Copi n’avait pas de limite et se foutait de la vraissemblance comme d’une guigne. Usait et abusait du cliché qu’il sublimait comme pas un. Empilait les stéréotypes qu’il détournait et magnifiait. Théâtre minimaliste, pauvre même, et paradoxal. Chez Copi tout déborde, dégorge. Théâtre faussement naïf, férocement transgressif. Tragique aussi mais d’une crâne insolence et qui ne prend pas de gant pour vous mettre un doigt d’honneur bien profond dans le fondement de la bienséance et de la normalité. Théâtre merveilleusement, heureusement scandaleux qui voit les exclus de tous bords, pas même gentils, cul par-dessus tête se foutre du genre – déjà – et affirmer avec une frondeuse fierté leur différence, leur monstruosité. Oser, objet de scandale, être eux-même enfin. Le rire chez Copi est un rire de résistance.
Louis Arène exhausse tout ça, embrasse Copi furieusement qu’il finit par retrousser pour en exhiber les dessous, cette vérité toute crue qui dérange encore. Entre télé novelas ou vaudeville sous acide, c’est tout à la fois d’une élégance de folle furieuse, entre kitsch et chic frelaté, respectant à la lettre tout en y mettant son grain de gros sel, ce théâtre de la cruauté, voire existentialiste. Ce sont des monstres fabriqués et leurs prothèses, qu’ils finiront par s’arracher dans une bataille épique, pleine de coke et de fureur, les laissant à nu, participe de ça, de cette création, de la fabrique et de l’affirmation de soi jusqu’à l’excès, l’outrance volontaire et férocement joyeuse. Tout est illusion, tout est théâtral et parfaitement assumé, affirmé. La Russie ou l’Alaska, c’est du pareil au même, c’est ici ou là, c’est n’importe quoi, autrement dit nulle part. Les seringues sont vides. Le révolver fait pan ! Le sang gicle, rouge fluo. La coke c’est de la poudre de Perlimpinpin. Il suffit d’y croire, point. Louis Arène s’amuse comme un sale gosse, en rajoute une grosse louche, fait le pari de la démesure, de l’énorme et du mauvais goût devenu la norme et réussit son coup. Plus c’est gros, mieux ça passe et la jouissance est là, qui gicle sans à-coup, ce rire qui ébranle la salle. Une salle complice et pas dupe que tout ça, c’est du chiqué, c’est pour de faux. Avant d’être fauchée abruptement par un final apocalyptique qui voit basculer cette farce existentialiste dans un registre des plus inquiétant.
Louis Arène, Lionel Lingelser, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Alexandre Éthève et François Praud, au diapason, sont aussi hors-norme. Rien ne leur semble impossible dans cet univers absurde et féroce qu’ils traversent au pas de charge. Ils sont tous simplement extraordinaires, ne dépassant jamais les bornes dans la démesure, toujours justes dans cette folie, dans ce burlesque haut en couleur et crue, cet univers queer et drama-queen sous haute-pression qu’ils transcendent par ce naturel et cette aisance, cette extravagante vérité dans l’invraissemblance.
© Darek Szuster
40° sous zéro, L’homosexuel où la difficulté de s’exprimer & les quatre jumelles de Copi
Mise en scène Louis Arène
Avec Louis Arène, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Alexandre Éthève, Lionel Lingelser, François Praud
Conception Louis Arène, Lionel Lingelser
Dramaturgie Kevin Keiss
Assistante mise en scène Maëliss Le Bricon
Stagiaire mise en scène Mo Dumond
Création costumes Christian Lacroix
Assisté de Jean-Philippe Pons et Karelle Durand
Scénographie, masques Louis Arène
Création coiffes, maquillage Véronique Soulier-Nguyen
Création lumières François Menou
Création sonore Jean Thévenin
Assisté de Ludovic Enderlen
Regard chorégraphique Yotam Peled
Assistant scénographie, régie générale, accessoiriste Valentin Paul
Régie lumières Julien Cocquet
Accessoiriste, régie son Ludo Enderlen
Assistant accessoiriste Julien Antuori
Habilleuse Faustine Boyard
Cheffe d’atelier costumes Lucie Lecarpentier
Costumières Tiphanie Arnaudeau, Hélène Boisgontier, Castille Schwartz
Stagiaires costumes Marnie Langlois, Iris Deve
Du 20 au 30 novembre 2019 à 20 h 30
Le 24 novembre à 16 h
Relâches les 26, 27 et 28 novembre 2019
Le Montfort-théâtre
106 rue Brancion
75015 Paris
Réservations 01 56 08 33 88
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