© Nicolas Descôteaux
ƒƒƒ article de Nicolas Brizault
Oh… Découvrir cette Britannique Sarah Kane, et l’un de ses quatre écrits, le dernier ici, 4.48 Psychose. On pourrait jouer un peu et commencer par « critique de la beauté pure. » Restons sérieux en sortant de ce « spectacle », mot étrange qui ne va pas très bien avec l’extase bonne et mauvaise, chaude et froide, vivante et morte que l’on ressent, tremblant. Sarah Kane décrit ici tout ce que l’on ne peut ressortir de nous, la hauteur, la différence, la simplicité et la joie, le goût et l’importance si évidente du sexe et de l’humour, la recherche de la lumière, de l’époque juste, de l’accord, de cette foutue ténacité qui nous retient et qui semble ne pas rebondir autour de nous. Sarah Kane a jeté tout ça en l’air, a aussi confiné tout ça, vive les mélanges, elle a hurlé sur papier avant de se suicider à 28 ans, en 1999.
Sophie Cadieux refond ce texte devant nous, ces mots, ces gestes. La raison et l’étrange font l’amour, plongés dans une simplicité honnête, douloureuse, où les jeux épousent un écorchement tout sauf naïf. La mise en scène de Florent Siaud nous laisse sans voix, comment parler de cette heure splendide qui nous est offerte, une heure d’où l’on pourrait souhaiter s’évader, face à une folle qui parle de son suicide, de cette « putain » de beauté de l’amour si peu comprise par les hommes, une évanescence si époustouflante, beauté qui ne reste pour eux que le mélange boueux de deux sexes superposés. Ce personnage est loin de la surface du sol. Cette femme est là, sans doute à la mauvaise époque, comme elle le dit, elle a tout comprit, elle sait tout mais s’est gourée de porte, est sortie là où il ne fallait pas. Elle va tout faire pour fuir, rejoindre l’essence du monde, pour être heureuse ailleurs, là où il faut, avec qui il faut. Rions, nous les vivants.
Elle connaît tout, oui. Elle déverse toutes les clés de cette joie évidente, les fout en l’air, oui, oui, elle sait tout, elle est encore plus fatiguée de ces échanges avec ses médecins, à côté de la plaque, eux, rois des molécules salvatrices qui, assomment, déchirent, en font naître d’autres perfides dans une gratuité jalouse, rien que pour creuser plus vite cette tombe pas prête encore. Ou bien un médecin sur le fil lui aussi, prêt à tomber lui-aussi s’il s’autorisait à s’écouter mieux, à se laisser mettre les pieds dans la vérité. Des échos, des visions nous tombent dessus. Sophie Cadieux porte, tient, lâche, reprend tout. S’efface et fini par être. Grâce aussi à une nouvelle traduction de Guillaume Corbeil, sans doute moins sage que la précédente, plus impulsive et moins molle.
Un personnage fasciné par ce 4h48 attendu, ce 4h48 qui éteindra tristesse, chagrin, fera oublier que l’on trottine bêtement à côté de là où l’on devrait être, que l’on trottine bêtement à côté des autres, là où les passages se sont effacés, là ou un vent ivre prend un plaisir fou à nous voir tomber. 4h48 notre grand amour. Derrière cette porte. 4h48 médocs, veines ouvertes, pendaisons, le tout à la fois ? 4.48 Psychose, un moment proche de l’intensité, titre unissant encore la « malade » et le mauvais monde, jusqu’à 4h47 et 59 secondes.
© Nicolas Descôteaux
4.48 Psychose de Sarah Kane, France/Québec
Nouvelle traduction Guillaume Corbeil
Mise en scène Florent Siaud, France/Québec
Avec Sophie Cadieux, Québec
Scénographie et Costumes Romain Fabre, France/Québec
Eclairages Nicolas Descôteaux, Québec
Conception sonore Julien Éclancher, France/Québec
Vidéo David B. Ricard, Québec
Mouvement des figurants Jean Hostache, France
Assistance à la mise en scène Valéry Drapeau, Québec
Figuration jeunes amateurs + Collectif La Ville en feu Production : Les songes turbulents
Créé en résidence au Théâtre La Chapelle (Montréal) en 2016.
Ce spectacle a été lauréat dans la catégorie « meilleure interprétation de l’année à Montréal » (Sophie Cadieux) et finaliste dans la catégorie « meilleure mise en scène de l’année à Montréal » (Florent Siaud) aux prix de l’Association Québécoise des Critiques de Théâtre (AQCT)
Sarah Kane est représentée par l’Arche, agence théâtrale. La pièce 4.48 Psychose est publiée dans la traduction d’Évelyne Pieiller par l’Arche Éditeur.
Du 16 novembre au 2 décembre 2018
Du mardi au jeudi à 20h, vendredi à 19h, samedi à20h et dimanche à 15h30
Relâche les lundis
Durée 1h
Réservation T+ 01 40 03 72 23
resa@theatre-paris-villette.fr
Théâtre Paris-Villette
211 avenue Jean Jaurès
75019 Paris
www.theatre-paris-villette.fr
Accès :
Métro ligne 5 : Porte de Pantin
Tramway 3B : Porte de Pantin – Parc de la Villette
Station Vélib à proximité avenue Jean Jaurès
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