© Margot Simmoney
ƒƒƒ Article de Victoria Fourel
Dormir, c’est peut-être perdre du temps. Et oui, il y a une solution. Dans un futur proche, une entreprise vous propose de plonger dans un rêve en réalité virtuelle pendant 20 minutes, et d’en ressortir frais et reposé comme après une bonne nuit de sommeil. Des tests sont lancés, et un cobaye part à la conquête du repos, son casque sur les yeux. Dans cet interstice entre veille et sommeil, entre besoin naturel et besoin pratique, le spectateur accompagne le patient dans une expérience sensorielle.
Ici, plusieurs choses frappent. L’aspect sensoriel en est une. Une partie du spectacle se déroule casque audio sur les oreilles, plongé dans une ambiance sonore permanente, mystérieuse et enveloppante. Dans une autre partie, le spectateur chausse son casque VR et suit Noé, le cobaye, dans ses rêves. On est donc plongé à 100% dans l’action, et à la fois, on se sent très seul, puisqu’on n’entend pas les réactions des autres, et que les comédiens n’ont quasiment aucun contact avec nous. C’est donc extrêmement déstabilisant, et le public, qui change de place et de perception, est mis face à un futur fabuleux et froid, attirant et dangereux.
Ce spectacle est aussi un vrai travail d’anticipation. En même temps que cette idée de dormir moins pour faire plus est réellement à la mode dans un monde d’hyperactivité et d’hyper-sollicitation, c’est aussi une réflexion sur l’avenir du spectacle vivant. Est-ce toujours du spectacle vivant lorsque l’écran s’interpose entre nous et la scène ? Le fait d’assister à une pièce ne perd-elle pas son aspect collectif ? Et en même temps, cela ne va-t-il pas dans le sens d’un théâtre augmenté, complet ? Il est dès lors passionnant de s’imaginer ce qu’il arrivera à la scène dans le futur.
Le spectacle est complètement déstabilisant, par l’utilisation de la Réalité Virtuelle, d’une part, mais aussi par l’idée de montrer les évènements de deux points de vue différents. On voit l’action depuis la perspective de la scientifique, puis de celle du jeune testeur. Dans le premier cas, la jeune femme est en permanence coupée du reste du monde, dans un univers sérieux et aseptisé. Dans le second cas, on pénètre l’intimité des rêves de Noé, extrêmement proche de lui, du monde. Le côté vaguement effrayant de cette plongée dans l’esprit d’un autre est certain, et crée l’inconfort, parfois. Il faudra veiller à l’avenir à ce que l’expérience de spectateur ne devienne pas inquiétante pour autant.
24/7 est un très beau spectacle sur notre perception. Malin et à l’affût de tout ce que la technologie a à offrir, il est extrêmement mystérieux lorsque l’on ne voit que la moitié, et devient un objet complexe lorsqu’on arrive à la fin. On est dans un théâtre immersif et dans un sens, engagé. Engagé parce que même dans la science-fiction, les craintes de dérapages sont nombreux : le besoin croissant de contrôler et de monétiser jusqu’à nos besoins vitaux et l’isolement de chacun, par exemple. Autant de pistes évoquées dans 24/7, grâce à une mise en scène totale.
© Margot Simmoney
24/7 Conception, écriture et réalisation d’Alexia Chandon-Piazza, Julien Dubuc, Chloé Dumas, Grégoire Durrande, Samuel Sérandour
Avec Sumaya Al-Attia, Maxime Mikolajczak
Apparitions vidéo, voix Hussein Al-Attia, Alexia Chandon-Piazza, Olivier Durrande, Julie Le Lagadec, Claude Leprêtre, François Morel, Laurent Vercelleto, Isaac Verger
Du 13 au 18 novembre 2018
Le mardi à 19 et 21h, le jeudi et vendredi à 20h, le samedi et 16 et 20h, le dimanche à 14 et 16h.
Théâtre Nouvelle Génération – Les Ateliers
5 rue du Petit David
69002 Lyon
Réservation 04 72 53 15 15
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