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12, de Jean-Pierre Brouillaud, Maison de la parole, Festival d’Avignon (Off)

Juil 18, 2025 | Commentaires fermés sur 12, de Jean-Pierre Brouillaud, Maison de la parole, Festival d’Avignon (Off)

 

© Marius Degardin

 

ƒƒ article d’Emmanuelle Saulnier

Amoureux de la poésie ne passez pas votre chemin, si vous avez envie de voir désormais, voire pour une heure seulement, la vie en alexandrins. Donnez rendez-vous à vos amis à la Maison de la parole pour écouter le romancier et auteur de théâtre Jean-Pierre Brouillaud, devenu poète cette année à Avignon.

On ne se refait pas ! Même si la pièce depuis son accueil jusqu’aux applaudissements est entièrement écrite avec des vers de 12 pieds, l’auteur a conservé son esprit malicieux, ironique, voire caustique et se fait pour la première fois l’interprète de son texte, mais aussi (en suivant les préceptes de Verlaine, « de la musique avant toute chose ») de ses chansons à la guitare, mises en musique par un jeune compositeur talentueux, un certain Soliman… Brouillaud.

Surannée cette forme comme le craint lui-même l’auteur ? Assurément pour ses « collègues » de l’avenue de la République ou de la Place de l’Horloge. Le stand up n’est pas le genre de la maison. Ici point de vulgarité (même si deux jurons sont prononcés mais pour servir de contre exemples), ni d’improvisation, mais des vers dûment rythmés rendant hommage à la langue française en la mettant au service de nos vies contemporaines.

D’abord les références aux modèles. Aragon par exemple. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec l’auteur : « Tes yeux sont si profonds qu’en m’y penchant pour boire / J’ai vu tous les soleils y venir s’y mirer / S’y jeter à mourir tous les désespérés / Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire » a plus de gueule que « je te kiffe » (et Jean-Pierre Brouillaud n’a pas ajouté meuf…).

Les applications au monde d’aujourd’hui ensuite. Si vous souhaitez changer de style, quand un chauffard vous contraint au constat ou rendre une rupture avec un conjoint moins abrupte (quoique… allez-y vraiment afin de vérifier par vous-même), ou encore faire grandir la file d’attente à la boulangerie, il n’y a qu’à suivre les leçons du barde Brouillaud. Il entend tout simplement changer le monde et à la manière de Cyrano propose différentes versions d’y entrer en commençant par les nouveau-nés (l’aristocrate, le timide, le malfaiteur, l’imbu de sa personne, le râleur). Truculent.

Mais l’auteur voit plus loin que nos modestes petites vies minuscules. Il interpelle tous les chefs d’Etat guerriers et batailleurs, se provoquant toujours pour être le meilleur, à bannir la prose de leurs invectives et à compter leurs pieds pour arriver jusqu’à 12. Et cela vaut aussi pour la politique nationale et les débats électoraux. On ne résiste pas à citer un extrait, qui vous rappellera peut-être quelque chose de déjà vu ou entendu… en mieux :

« Cher ami, je ne suis, sachez-le, en cette heure,

Nullement votre élève et vous mon professeur.

Cette Europe, bâtie par vos majorités,

Est, ne le niez pas, en train de s’effriter,

Et je suis bien gentil et aimable vraiment

Car il faudrait plutôt parler d’effondrement.

Depuis plusieurs années, vous avez en conscience,

Creusé, creusé, creusé, pour enterrer la France.

Nous allons la sortir du fossé purulent

Où vous l’avez plongée avec un grand talent »

L’auteur-interprète pousse la délicatesse à accompagner les mots par une jolie idée visuelle, que l’on taira pour ne pas la divulgacher, pour aborder le « bord du précipice » évidemment en alexandrins.

Amis du Fauteuil, je vous assure qu’en traversant la place St Didier pour vaquer à vos occupations, la prose pendant quelques temps vous semblera étrange, et c’est un manque de temps et de talent qui empêcha que cette critique fut écrite en alexandrins.

 

© Marius Degardin

 

12, écrit et mis en scène par Jean-Pierre Brouillaud

Création lumière et régie : Matthieu Ambroselli et Jeanne Villieu

Création musicale et enregistrement guitare : Soliman Brouillaud

Avec :  Jean-Pierre Brouillaud

 

Durée : 1h

Jusqu’au 26 juillet à 14h45

Relâche les jeudis

 

Maison de la parole

7, rue Prévôt

84000 Avignon

www.maisondelaparole.fr

 

 

 

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